« L’Histoire de Souleymane » ovationné au Festival de Cannes 2024 est en salles
Un biopic poignant mené avec brio par le suspense. Il parle de la vie d’un Guinéen, travailleur sans papier, livreur à vélo à Paris.
L’HISTOIRE DE SOULEYMANE est un film de Boris Lojkine. Il reçoit, au mois de mai, le Prix du jury au Festival de Cannes dans la section Un certain regard. Où son protagoniste, le Guinéen et acteur non-professionnel, Abou Sangare triomphe avec le Prix d’interprétation masculine.
Star à Cannes avec un OQTF dans la poche
Mais l’ironie du sort veut que Abou Sangare, 23 ans, monte les marches mythiques de Cannes avec une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) dans sa poche. Et alors qu’en ce moment à Paris les colonnes Morris exhibent son beau visage sur l’affiche du film L’Histoire de Souleymane.
Aussi L’Histoire de Souleymane fait l’ouverture du Festival du Film Social, le 7 octobre, au cinéma Les Cinq Caumartins à Paris. Un festival qui met la vie des invisibles en lumière. Pour sensibiliser le public, à travers le cinéma, sur le vécu de ces personnes en difficulté face aux réalités du travail, aux codes de l’administration et de l’intervention sociale.
Le film L’Histoire de Souleymane
Ici Paris est filmé d’un angle très différent. Car celui que le cinéaste choisit est celui des livreurs à domicile à vélo. Et voilà que le spectateur sillonne la ville lumière des quartiers chics aux HLM, en passant par des centres d’hébergement d’urgence et de demande d’asile. Toujours pressés ces travailleurs prennent des risques, font prendre des risques aux autres, tout en dérangeant les automobilistes.
L’Histoire de Souleymane fait penser au film inédit Piratage.2 (*) (2020) du Brésilien W. Tede Silva (1961 – 2022). Où un étudiant qui travaille pour l’une de ces plateformes est accidenté lors d’une livraison.
Mais le film L’Histoire de Souleymane met en scène les deux jours précédant l’entretien de demande d’asile de Souleymane à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) pour obtenir une demande d’asile. Ici c’est l’actrice Nina Meurisse qui joue, très bien et de manière humaine, le rôle de l’officière de protection.
Or, durant ces deux jours, ce livreur guinéen n’a pas une minute de répit pour se concentrer sur son entretien à l’Ofpra. En fait il court sans cesse pour essayer de régler des problèmes. Allant des démêlés avec les titulaires de compte des plateformes aux arnaques des collègues ou des clientes, en passant par les difficultés pour se loger la nuit.
L’Histoire de Souleymane frise le suspense
Concernant le scénario, Boris Lojkine note dans son dossier de presse que pour l’écrire avec Delphine Agut, ils optent pour « une dramaturgie plus proche du thriller que de la chronique sociale ».
Pour garder le spectateur en haleine le tournage est aussi en vélo dans le chaos de la ville. Au milieu des incohérences que les Parisiens subissent, suite aux choix de la maire Anne Hidalgo.
Cela donne des images inouïes. Telles que ces courses-poursuites contre le temps, dans ce road movie en vile à vélo, pédalant au milieu de la circulation. Les superbes images sont du chef opérateur Tristan Galand. Et le montage en phase est signé par Xavier Sirven.
Un son remarquable
Ainsi L’Histoire de Souleymane est très bien rythmée par le son international où règne le sonore de la ville. Avec ses bruits de klaxons, sirènes, rugissement des moteurs, métros, RER.
Ce film sans musique tourné, en une quarantaine de jours, en décor naturel a un son épatant. Sa prise de son captivante, telle un plongeon dans la ville lumière, est de l’ingénieur Marc-Olivier Brullé.
Qui est-ce l’acteur principal de L’Histoire de Souleymane ?
Concernant la biographie du protagoniste du film L’Histoire de Souleymane, Abou Sangare est né le 7 mai 2001 à Sinko dans le sud-est de la Guinée. En fait à l’âge de 15 ans, sans argent, il décide de partir de chez son oncle. Car il veut gagner de l’argent pour permettre à sa mère de se faire soigner d’une maladie mentale.
Voilà pourquoi Abou Sangare traverse tous les dangers en prenant les risques de l’enfer. Allant du Mali à l’Algérie, en passant par la Libye, la Méditerranée, l’Italie pour arriver enfin en France il y a sept ans. Où il s’installe à Amiens. Aidé par l’association Réseau éducation sans frontières, il apprend à lire et à écrire correctement. Il s’inscrit aussi pour suivre des études de mécanique, car il adore les poids-lourds.
Alors un jour en 2023, l’on lui parle d’un casting dirigé par l’ancienne documentariste Aline Dalbis. Car le réalisateur Boris Lojkine cherche des jeunes Guinéens pour un film. Du coup pour Boris Lojkine ainsi que pour Abou Sangare c’est un jour de chance et d’une belle rencontre. Car Sangare rempli bien les deux cases du rôle du protagoniste du film de Lojkine. En revanche Sangare n’a jamais été livreur en vélo. Alors il apprend ce métier de livreur en même temps que celui d’acteur pour jouer le rôle de sa vie.
Point d’honneur pour le réalisateur
Ce qui fait du sympathique et talentueux Abou Sangare un être plein de bonnes ressources, qui cherche à s’en sortir pour aider sa maman. Voilà pourquoi le cinéaste Boris Lojkine soutient à fond sa demande d’asile.
Dans ce sens le cinéaste avoue que, pour lui, « tant que Abou Sangare n’aura pas ses papiers, le film ne sera pas terminé ». Aussi le réalisateur déclare sur France 3 : « On a frappé à toutes les portes après le festival de Cannes jusqu’aux Macron, au ministère de la Culture, à celui de l’Intérieur, … ».
Sauf que, jusqu’à ce jour, Abou Sangare n’a pas encore reçu une réponse positive de l’administration française…
Espérons que ce film se transforme en une belle vraie histoire dans la réalité d’Abou Sangare. Et que le gouvernement Macron légitime sa présence en France. Afin que l’acteur guinéen réalise ses rêves, arrête de vivre dans l’angoisse de se faire arrêter par la Police et dans la peur d’être renvoyé chez lui.
Bref, comme beaucoup d’autres travailleurs immigrants, Abou Sangare est déjà à sa quatrième demande de régularisation.
L’Histoire de Souleymane est un film nécessaire pour comprendre la réalité de ces travailleurs. Il est en salles depuis le 9 octobre.
NODS.
Note :
(*) Piratage.2 raconte l’histoire du jeune Wallace qui décide de travailler pour une plateforme numérique. Jusqu’à que lui et ses amis découvrent que cette révolution déguisée en « économie collaborative » peut tromper les consommateurs, asservir les gens, nuire aux entreprises. Mais, surtout, détruire tout un système construit grâce au travail et aux luttes des générations. Et tout ça se passe en même temps qu’un étudiant se fait tuer par la circulation. Alors qu’il travaille pour une autre plateforme afin de payer ses études.