Didier Lockwood laisse un message fort
Le grand violoniste Didier Lockwood a passé son violon à droite, dans sa 62ème année, ce dimanche. Le jazzman répercute un message pertinent lors de La Semaine du Son.
Didier Lockwood a participé, samedi 17 février, à un dernier concert au Bal Blomet, un cabaret d’art de jazz du XVè à Paris, avant d’être foudroyé par une crise cardiaque brutale le lendemain soir.
Ce Calaisien né dans une famille d’artistes, est un violoniste hors pairs toujours ouvert à la bonne musique. Car il joue avec maestria du jazz acoustique et électrique, en passant par le manouche et les balades irlandaises.
Didier Lockwood : un homme généreux
Didier Lockwood s’exprime toujours de manière généreuse, telle la musique qu’il fait vibrer de son violon.
Le 23 janvier 2018, il fait un discours émouvant, lors de La Semaine du Son ; où il transmet son amour pour la musique et défend la qualité du son. Ce jour là, à l’UNESCO, Didier Lockwood passe un message fort d’un homme sensé, humain, touchant, mais aussi préoccupé. Dont voici la transcription d’un extrait vidéo diffusé par Regardinfos.com.
Selon Didier Lockwood « on souffre de panne de sens »
« Je dirais que on ne peut pas parler uniquement du son, car le monde est synesthésique.
Je pense qu’aujourd’hui on souffre de panne des sens à tous les niveaux. Au niveau de la manière de se nourrir, par exemple, on est dans ce que l’on appelle la malbouffe. Et je pense qu’aujourd’hui pour le son, pour la musique, on l’est aussi un peu, parfois. Et comment on la diffuse, et comment on se sert du son, on est un peu dans une malbouffe aussi.
On connait la même chose aussi pour le toucher. Aujourd’hui on ne touche plus pratiquement que nos écrans tactiles, et on a le bout du monde à porté de la main. [Mais] quand on se rencontre dans la rue on ne se serre plus la main. Chacun est isolé avec son smartphone avec le son, la vue, et le toucher. »
L’importance des Sens
« Je sens ça comme une tentative de nous ôter nos sens, qui sont la chose la plus importante au monde. C’est-à-dire la relation au monde et la relation entre chacun d’entre nous, qui sommes des êtres uniques. Et de qui chacun apprend les uns des autres. Et on apprend en se parlant, en communiquant, en se touchant, en vibrant ensemble. »
L’écologie du son
« Tout ça tient à une écologie. Oui il y a une écologie du son. Il y a une écologie de la nature. Aujourd’hui on ne voit plus. On n’entend plus, on ne touche plus, on ne goûte plus. En tout cas pas, on ne goûte pas comme on devrait goûter. »
La Semaine du Son
« Donc cette action [de la Semaine du Son], qui est menée, depuis pas mal de temps déjà, par monsieur Hugonnet, est essentielle. Parce qu’elle va nous permettre de rentrer, plus profondément, peut-être, à nouveau, dans les choses.
Et le monde est tellement merveilleux. Aujourd’hui on nous le banalise, l’on nous le compresse. On nous compresse notre regard. On nous compresse tous ces sens. Et la dynamique est absente de nos vies. »
L’art de l’Improvisation de Didier Lockwood
« En tout cas je sais que pour moi la musique c’est mon grand moyen de communication. Et j’improvise. C’est mon grand moyen de communication. C’est-à-dire traiter du moment présent. »
Le combat continue
« J’espère bien que on va se réunir tous, pour essayer d’échapper un peu à ce rouleau compresseur, que ces dérives de notre société sont en train de provoquer au niveau de l’humanité. Et l’on voit les premiers résultats.
Mais ça me fais très plaisir de vous voir si nombreux [à l’UNESCO]. Et de voir qu’autant de pays prennent conscience, puisqu’en fait c’est une question de conscience.
Alors, eh bien le combat continue. Et je crois que c’est un combat simple pour que l’on puisse garder en vie notre espèce. »
Didier Lockwood, le plus célèbre des violonistes français, reste tout près de nous. À travers ses créations, sa parole authentique et la qualité de son intelligence.
NOLDS.