Dans ce livre bien documenté Mathieu Méranville dévoile les facettes d’un mythe, adoré, du football brésilien.

En effet Garrincha est un vrai génie du football. Un dribbleur unique ! Magique ! Avec ses jambes arquées et du haut de ses 1,69 il fait rêver les amateurs de foot avec des passes uniques. Or, telles des pas de danse, elles troublent les adversaires sans savoir de quel côté il va lancer le ballon. Alors que Garrincha s’arrête, ou change de direction. C’est pourquoi « personne ne serait capable de dribbler comme lui » souligne Zagallo, ancien technicien de la Seleção. Car Garrincha, doté d’un style instinctif, a de l’art dans ses jambes.

La joie du peuple

Avec ses dribbles rapides l’enfant pauvre de Pau Grande (Magé, Rio de Janeiro) extasie les spectateurs et fait vibrer les stades, tel le fameux Maracanã. Où il s’amuse comme dans les terrains vagues de son enfance lors des « peladas » (match à nus pieds). Résultat : le public l’adore, le surnomme « la joie du peuple », « l’ange aux jambes tordues(*) », « le roi du dribble ».

Libre comme un rossignol

Quant à son sobriquet il lui a été donné par sa sœur, Rosa. Lorsque, âgé de quatre ans, Manoel (Mané) dos Santos Francisco apporte à la maison un petit oiseau appelé Garrincha, un rossignol, que l’enfant a attrapé avec ses petites mains.

Une dystrophie physique qui devient un atout

En revanche, pour tout dire, Mathieu Méranville n’était pas encore né au moment des exploits du footballeur brésilien. Il avoue qu’il connaissait un peu de sa carrière, grâce aux adultes de son entourage. Mais, à l’époque, il admirait surtout Michel Platini et les plus âgés lui disaient : « Ton Platini est bon, mais il n’arrivera pas à la cheville de Garrincha ! ». Alors dès qu’il devient journaliste, et qu’il a accès aux archives, Mathieu se documente, regarde des vidéos. Et là, c’est la stupeur : « Quel phénomène ! Quel joueur ! s’exclame-t-il. Toujours la même feinte mais elle piégeait tous les défenseurs du monde. Car sa jambe gauche mesurait 6 centimètres de moins que la droite, et cela déstabilisait ses adversaires. Quel dribbleur ! » C’était du jamais vu !

Au total, grâce à son talent, Garrincha remporte « deux Coupes du monde (1958 et 1962) aux côtés de Pelé (Edson Arantes do Nascimento), note Mathieu. Et ne perd qu’un match en 50 sélections ».

Garrincha l’ange aux jambes tordues (**)

Le temps passe. Mathieu est toujours fasciné par ce joueur brésilien exceptionnel. Aujourd’hui, ce journaliste de France Télévisions lui rend hommage avec le livre « Garrincha l’ange aux jambes tordues », parsemant son texte de notes de Bossa Nova et de Samba (oui c’est un nom masculin). Ainsi dans son récit, entre admiration et nostalgie, Mathieu Méranville parle littéralement à Garrincha pour lui remémorer sa gloire, sa décadence, ses femmes, ses souffrances.

« Garrincha aimait l’alcool et les femmes plus que de raison, explique Mathieu. Il a eu 13 enfants dont huit filles avec sa première femme, Nair, qu’il a quittée pour Elza Soares [la Tina Turner brésilienne, avec qui il a vécu une histoire passionnée et compliquée]. Ce qui provoque un scandale dans le Brésil catholique de l’époque. Après sa carrière, il a terminé dépressif, pauvre, abandonné du monde du football.

En plus il a souffert de racisme. Si Garrincha était heureux sur le terrain, l’homme Manoel dos Santos Francisco, son vrai nom, a dû faire face à tous les maux. Ensuite, il n’a pas été soutenu par la Fédération Brésilienne de Football dans sa longue descente aux enfers, rongé par l’alcool, qui l’a conduit à mourir seul, à 49 ans », le 20 janvier 1983. En revanche, le plus célèbre aile droite de l’histoire du football reste éternel.

Un portrait du Brésil

Enfin, pour toutes ces raisons, avec des hauts et des bas, Garrincha est un personnage particulièrement attachant, digne d’un roman. Et, de sa plume, Mathieu Méranville trace un portrait non seulement d’une idole du football mais aussi du Brésil. Où il dénonce des thèmes chers à son cœur martiniquais, comme, par exemple, le racisme.

NOLDS.

Notes :

(*)   D’après le poème de Vinicius de Moraes (1962).

(**) Garrincha l’ange aux jambes tordues, Mathieu Méranville, Cercle éditions, 127p.