«La Belle et la meute» de Kaouther Ben Hania
Le film La Belle et la meute de Kaouther Ben Hania, primé au Festival de Cannes 2017, par le Trophée de la meilleure création sonore dans la catégorie Un Certain regard, sort en salles le 18 octobre.
La Belle et la meute est un long métrage original tourné entièrement en plans séquence, présentés en 9 chapitres. La réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania livre un film poignant.
Lien vidéo : bande annonce
La Belle et la meute : une fiction basée sur des faits réels
Entre fiction et documentaire, La Belle et la meute trace le portrait d’une Tunisienne. Il s’agit d’une universitaire qui demande justice, dans son pays, après avoir
été abusée par des policiers. C’est une histoire basée sur des faits qui ont réellement existé, et qui sont racontés dans le livre «Coupable d’avoir été violée»(*).
Ainsi La Belle et la meute met en scène un épisode de la vie de Mariam (Mariam Al Ferjani), 21 ans. Le film débute avec Mariam en train de s’amuser et danser avec des amies au son d’une musique orientale, lors d’une fête organisée dans le cadre de l’université. Cela se passe dans un salon d’un hôtel situé près de la mer, à Tunis.
Mais au milieu de la fête, le regard de Mariam croise celui de Youssef (Ghanem Zrelli). Youssef est un bel homme, insoumis, issu du Printemps arabe. Ils se parlent. Puis ils sortent, pour s’aérer et marcher en bavardant tranquillement.
Un vrai cauchemar
Changement de chapitre. Mariam, hagarde, erre en état de choc dans la rue, d’où parviennent des aboiements de chiens. Quant à Youssef il court derrière elle pour la rattraper. Du coup l’on voit l’innocence d’une jeune femme se transformer en cauchemar. Et Mariam va vivre l’enfer.
Traumatisée la jeune femme va affronter le pire dans une très longue nuit, qui va durer jusqu’au petit matin.
En revanche, courageuse et soutenue par Youssef, elle ne va pas lâcher prise. Car, à l’hôpital, elle doit insister pour d’être examinée par un médecin, dans le but d’avoir un certificat médical constatant les viols subis. Puisque Mariam est consciente que c’est le seul moyen pour pouvoir porter plainte et revendiquer ses droits.
Cependant malgré leur bonne foi, les deux jeunes gens se trouvent face à une administration bornée. Une administration lourde, encombrée par des lois absurdes soumises à des règles complètement figées et qui compliquent tout. Aussi le jeune couple se trouve face à des fonctionnaires qui obéissent, bêtement, sans réfléchir, sans se rendre compte de l’incohérence de leurs propres propos, et surtout sans même un zeste d’humanité. Il va sans dire que cette incompréhension administrative, aggrave la situation, et peut être vécue comme un viol de plus.
Les Faits
Mariam et Youssef peinent aussi pour porter plainte au Commissariat du coin. D’autant plus que ce commissariat est le même où travaillent les violeurs de Mariam. Enfin, dans leur déposition, les deux jeunes gens racontent qu’ils se promenaient alors que des policiers, arrivés en voiture, les ont arrêtés. Et que ces policiers ont emmenée Mariam dans leur voiture de service où plusieurs d’entre eux l’ont violée. Tandis que deux autres policiers conduisaient Youssef, menotté, jusqu’à un distributeur de billets pour être racketté de 300€.
Alors suite à leurs déclarations les policiers font tout pour minimiser et enterrer l’affaire. En outre, ils essaient de terroriser Mariam par une série de mensonges, afin de la déstabiliser et éviter la plainte de la victime contre leurs collègues.
La belle et la meute : un film fort
Avec tous ces arguments cette fiction met en relief une police barbare. Une police qui reste sourde aux arguments des victimes. Or pour elle toutes les obscénités peuvent être encore permises et commises contre les femmes en toute impunité. Car l’homme reste protégé et possède tous pouvoirs. Ainsi ce film met en évidence des problèmes insupportables qui persistent dans un État, où la police est toujours gangrénée par la corruption même après la révolution.
Néanmoins, dans ce monde de bêtes il y a un policier honnête, Chedli (Chedli Arfaoui). Chedli est le seul policier du commissariat qui assure la jeune femme de ses droits, et il la pousse à aller jusqu’au bout de sa plainte.
La Belle et la Meute est un film fort, bien orchestré, qui dénonce un fait de société. Non seulement concernant la situation des femmes en Tunisie, mais aussi un système qui peine à changer malgré les acquis des dernières réformes.
NOLDS.
Note :
(*) «Coupable d’avoir été violée» est un livre de Meriem Ben Mohamed, écrit en collaboration avec la journaliste Ava Djamshidi, Michel Lafon, 2013. L’auteur, Meriem, témoigne des viols commis sur sa personne, dans la nuit du 3 au 4 septembre 2012, à Tunis, avec un retournement de situation.
Ainsi lors que la victime parvient à porter plainte contre ses violeurs, elle est accusée d’attentat à la pudeur par ses bourreaux. Du coup Meriem, la victime, est passible de six mois de prison. Enfin, ce n’est qu’après un long et fatigant calvaire juridique que la victime arrive à obtenir un non-lieu le 28 novembre 2012. Cela grâce au soutien de son fiancé. Mais aussi à la mobilisation de ses avocats et de tous ceux qui ont pris sa défense. Ensuite, deux ans plus tard, Meriem a obtenu une autre grande victoire avec la condamnation des policiers violeurs.