Lili, la sympathique égérie de Pierre Barouh
Lili, la petite marchande du Tabac-Journaux de la rue Blainville, Paris Vè, inspire Pierre Barouh. Il lui écrit la chanson : «Lili».
Rencontre avec Lili de Pierre Barouh. Lili s’appelle Eliane Gaillardon. Cette petite femme aux yeux bleus pétillants est debout dès 5 heures du matin. Lili ne ferme sa boutique de Tabac-journaux que les dimanches, pour passer les commandes. «Pas le choix, affirme-t-elle, la presse sort tous les jours». Or chez elle on trouve non seulement des quotidiens, des magazines, du tabac, mais aussi des livres, des stylos, des disques, des sucreries, du tac au tac et bingo. Lili n’aime pas l’argent. Elle travaille pour vivre. «Quand on travaille avec son cœur, dit-elle, on est fière. C’est le bonheur».
Lili, le cœur de la Contrescarpe
Alors avec le temps les clients de Lili deviennent des copains, parfois des amis. Ainsi un jour l’un de ses voisins, nommé Pierre Barouh, lui dédie une chanson. Dans une ITW en 1997, pour le journal 5 de Cœur, Pierre me raconte : «Il y a tellement de choses qui se passent autour de chez Lili. Si demain elle en a marre, si elle s’arrête, les gens du quartier feraient une manif… Lili est le cœur de la Contrescarpe… L’an dernier 300 personnes lui ont acheté France-Soir parce qu’il y avait sa photo. L’histoire de ma chanson pour Lili a commencé quand Éric Guilleton m’a proposé une mélodie. Pour faire la surprise à Lili, je lui ai dit tu sors samedi. Je viendrai te chercher. C’était la première fois qu’elle sortait depuis cinq ans».
Pierre Barouh m’a redonné l’envie de vivre
Ainsi ce samedi là, Pierre conduit Lili au mythique Hôtel du Nord, lieu de la réplique du film culte du même nom. Où on entend Arletty répliquer : «Atmosphère ! Atmosphère ! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?».
Par conséquent Lili est ravie de sortir un peu et d’être aux marges du canal Saint-Martin, Paris Xè. Puis, à sa grande surprise, Pierre Barouh entonne sa nouvelle chanson «Lili».
Dans l’ITW de 5 de Cœur Pierre se rappelle : «Il n’y a pas une actrice au monde qui aurait pu exprimer ce qui s’est passé sur son visage à ce moment là».
En effet quand Pierre commence à chanter «Que m’excuse l’ami Perret / Mais je ne l’ai pas fait exprès / Ce n’est ni Zoé, ni Julie / Pour tout le quartier c’est Lili / Elle vend des journaux, du tabac / Bingo, millionnaire, tac au tac…». Lili écoute, sourit. Tout d’un coup des larmes envahissent ses yeux, et sa main tremble en amenant la cigarette aux lèvres. «C’était émouvant, dit-elle. Je ne connaissais personne là-bas et tout le monde savait mon petit nom… J’étais bouleversée, je n’avais plus mes jambes. Grâce à sa chanson, Pierre Barouh m’a redonné l’envie de vivre».
Roger m’a décroché la Lune
Car la vie de Lili bascule avec la guerre, quand ses parents se séparent et sa mère part en province avec ses cinq enfants. Lili débute à travailler à l’âge de 13 ans, puis entre en apprentissage à 15 ans pour s’initier à reliure. «Un Goncourt qui sort, explique-t-elle, et on n’a pas le temps de déjeuner». Ainsi l’adolescente est fière d’apporter sa contribution à la maison. Le temps passe, Lili forme une troupe de théâtre avec le directeur de l’atelier où elle travaille.
Par ailleurs elle épouse Roger, avec qui elle partage «quarante ans de bonheur. C’était un être exceptionnel, confesse Lili. Il m’a décroché la Lune». Après sa mort, elle n’a plus envie de vivre. La petite marchande se sent agressée parce que Roger s’occupait de tout : des courses, des chèques, d’ouvrir et fermer le magasin. «Roger me disait, se souvient-elle, que je ne me prenais pas au sérieux, que je jouais à la marchande». Pourtant, depuis, Lili a pris le taureau par les cornes pour tenir très bien sa boutique toute seule.
Lili et les Pierres
Grâce à son extrême gentillesse, Lili est toujours entourée par des amis fidèles. Et surtout par des Pierres, comme le dessinateur Pierre Piem, l’écrivain Pierre Malmaison, l’imitateur de Georges Marchais le fameux Pierre Douglas. «Pierre Douglas, note-t-elle, a fait un discours magnifique, à l’Église, en hommage à Roger». Aussi l’auteur de sa chanson, Pierre Barouh, que Lili imaginait au Japon. Mais qu’elle rencontre, il y a environ 10 jours à la Contrescarpe, affichant un grand sourire aux lèvres. Puis en l’embrassant «longuement sur la joue et sur le front, Pierre [lui] dit : Lili, j’ai pensé à toi cette semaine». Elle lui rétorque «Moi aussi, mon grand».
Neide Olívia De Souza.