L’Art Kadiwéu avec Benilda Vergilio et Frutuoso Rocha
Deux artistes plasticiens autochtones do Mato Grosso do Sul, Brésil, exposent leurs arts en Île de France.
L’ART KADIWÉU est présent dans la Saison Brésil-France 2025 par deux artistes peintres-anthropologues. Ils sont Frutuoso Rocha à Issy les Moulineaux et sa nièce Benilda Vergilio à Paris.
Ainsi, ce lundi 29 octobre, lors du Forum do Amanhã, Benilda Vergilio prend du plaisir à tracer avec sa plume des lignes et des points sur les mains du public. Alors que sur la peau de son visage la designer-styliste expose des jolis traits ancestraux délicatement dessinés.

Jenipapo

Pour la couleur noire, par exemple, Benilda et Frutuoso utilisent le même procédé que leurs ancêtres. Car ils se servent de l’extrait du fruit Jenipapo(1), mot du tupi-guarani qui veut dire « fruit qui tache » et « sert à peindre ». Or ce fruit brésilien donne une couleur bleu foncé que le contact avec l’air transforme en noir.
L’Art Kadiwéu

Alors à cette essence naturelle ancestrale, Benilda mélange du charbon. Afin d’obtenir un noir intense sur la peau du corps. Où ses dessins tels des tatouages y restent jusqu’à 15 jours.

Et voilà qu’un jour Benilda a l’idée de « transposer l’art Kadiwéu des poteries et des paniers sur des vêtements ».
Du coup cette plasticienne née en 1987 devient la première styliste des Kadiwéu. Depuis elle confectionne des robes et des chemises uniques. Car ses modèles sont illustrés de dessins originaux avec des coloris naturels. Résultat, avec son esprit calme et captivant elle lance sa mode et participe à des défilés.
Frutuoso Rocha

Quant à Frutuoso Rocha, l’oncle de Benilda, il expose ses superbes tableaux du 13 au 28 septembre à Issy-les-Moulineaux dans l’espace Le Temps des Cerises. L’œuvre puissante de Frutuoso évoque et transmet : l’identité, la mémoire, et la résistance du peuple Kadiwéu. Il s’agit donc d’une rencontre exceptionnelle avec l’art de cet autochtone né en 1950.

Car ses créations graphiques dessinent ses souvenirs, sa vie entouré de sa famille, les récits et les traditions de son ethnie.
Ainsi que Benilda, Frutuoso dessine depuis son enfance avec des techniques et des gestes ancestraux. Où il trace des lignes parlantes avec des plumes d’oiseaux. Dont des motifs peints par l’encre du Jenipapo mettent en valeur la culture Kadiwéu en noir et blanc rythmée par le talent.
Ensuite Frutuoso s’exprime avec des tons fabuleux propres à ce Pantanal luxuriant du Mato Grosso do Sul. Où la faune et la flore exhibent un nuancier abondant de couleurs éclatantes.
Lévi-Strauss et Dina Dreyfus
Sans oublier que, pendant cette exposition, le public voit également deux films inédits de Claude Lévi-Strauss (1908 – 2009) et Dina Dreyfus(2) (1911-1999) au Mato Grosso do Sul. Tournés dans les années 35 à 36, lors de l’expédition de ces deux anthropologues-ethnologues chez les Kadiwéu. Or cette ethnie sud-amérindienne avec son riche patrimoine culturel inspire profondément le livre Tristes tropiques de Lévi-Strauss.
Ainsi dans ces films l’on voit les autochtones au jeu de « cama de gato » (Lit de chat). Un passe-temps fait de fils entrelacés entre les doigts. Auparavant ce jeu était commun dans leur communauté, puis il devient rare.
La mémoire éveille la curiosité
Or « ayant accès à ces documentaires, dit Benilda, ce jeu peut redevenir d’actualité dans la communauté ». Voilà donc le pourquoi de l’importance de la diffusion de la mémoire dans les cultures autochtones. Certes ces enregistrements font de l’histoire une force pour maintenir en vie l’identité d’un peuple.
Aussi les végétaux, utilisés pour la confection des paniers comme montre l’un de ces documentaires, disparaissent par la déforestation du Pantanal. Or, au-delà, de détruire le patrimoine végétal, elle compromet la production artisanale tout en empêchant la continuité des pratiques ancestrales. Du coup c’est également la flore médicinale qui est menacée de disparition. Telle est le cas du caraguatá bromélia et du pau-santo (bois sacré).
Voilà pourquoi il est nécessaire de défendre ces cultures ancestrales respectueuses de l’environnement.
Benilda et Samila à L’Arlequin à Paris

Alors à Paris, au cinéma L’Arlequin, le 15 septembre, Benilda fait revivre cette culture Kadiwéu en compagnie de Samila Ferraz Fernandes Maciel. Ainsi ces deux femmes engagées divulguent leur tradition aux nouvelles générations. Car résister c’est protéger la mémoire. Mais c’est aussi protéger l’art, la langue, l’environnement et la mère Nature.
Ces deux amies Kadiwéu sont également dans la capitale pour découvrir « ce qui existe sur leur peuple dans les musées en France », dit Benilda. Et, d’un autre côté à travers leurs récits, elles témoignent de la vie entre leurs villages et le milieu urbain. Ici elles racontent leurs quotidiens au-delà des défis récents confrontés par leur communauté face à l’avidité des multinationales envers les ressources naturelles.
Ainsi cette soirée à L’Arlequin consacrée aux Récits de vie et résistances des femmes Kadiwéu sert aussi à amplifier leur présence dans les lieux culturels internationaux. Pour Samila, c’est « une opportunité très importante pour montrer au monde leur culture, leur lutte et leur ethnie ». Or les films projetés ce jour là valorisent la résistance autochtone pour la reconnaissance de leurs droits.
Films autochtones à Paris
Parmi d’autres films montrés, se trouve Sukande Kasaka terra doente (Sukande Kasaka terre malade), 31′, poignant, de Kamikia Kisedje et Fred Rahal. Sur l’avancée chez les autochtones de l’agrobusiness avec ses pesticides. Telle une menace invisible ces pollueurs pénètrent la terre, l’eau et l’air du peuple Kisêdjê. Tandis que la contamination progresse, Kamikia et Lewayki doivent choisir. Rester et risquer la santé de la communauté, ou abandonner les terres du village ancestral ?
Aussi Escuta: a terre foi rasgada (Écoute : la terre a été déchirée), 88′, de Cassandra Mello et Fred Rahal. Trois peuples autochtones menacés par l’exploitation minière illégale forment une alliance historique pour défendre leurs territoires. Cette union inédite entre Yanomami, Munduruku et Mebêngôkre (Kayapó) constitue une histoire de résistance et de résilience. Elle affirme la préservation de leurs terres ravagées par les chercheurs d’or (garimpo). Car pour les autochtones il est l’impossible de vivre loin de leurs terres ancestrales.

Benilda et l’Art Kadiwéu
Bref passionnée par son métier, Benilda voyage également dans sa communauté pour partager son art. Pour elle c’est un moyen de connecter les artisans autochtones avec la Nature, tout en transmettant leur propre culture. Ainsi Benilda les aide à valoriser leur art traditionnel, qui va de la céramique à la tapisserie en passant par la mode vestimentaire.
Aussi Benilda est très en phase avec la technologie mondiale. En effet cette femme intelligente utilise les moyens actuels pour préserver la pureté de l’Art Kadiwéu et sa diffusion. Voilà pourquoi sa communauté fait de la vente directe de leurs produits aux consommateurs en évitant les intermédiaires.
NOLDS.

