Jorge Amado honoré au Grand Hôtel Saint Michel à Paris en 2026

Le n°19 de la rue Cujas, au Quartier Latin, s’embellit bientôt d’une plaque au nom de l’écrivain brésilien le plus lu au monde.

JORGE AMADO (1912 – 2001) aura le 23 mars 2026 une plaque gravée à son nom sur la façade du Grand hôtel Saint Michel à Paris 75005. C’est une idée de sa sympathique directrice Marie Pereiras. Ainsi c’est au cœur même du Quartier latin que le prestigieux écrivain y séjourne au 19 de la rue Cujas « au 5è étage, confirme Marie Pereiras à Regardinfos, de l’hôtel Saint Michel ». Où Jorge y reste avec son épouse l’auteure Zélia Gattai (1945 – 2001) et leur fils João Jorge, surnommé Juca.

Voilà que le 5 août 2025, le journaliste Duda Tawil du quotidien A Tarde est à Paris avec le fils de Jorge et Zélia, le sociologue João Jorge Amado. Et João raconte que « début 1948 [il] arrive encore bébé au Grand hôtel Saint Michel avec [ses] parents ». Un lieu de bons souvenirs, qu’il visite avec son épouse Dôra Lopes. Car c’est ici que, pour son premier anniversaire, João reçoit en cadeau un conte. C’est Le Chat tigré et l’hirondelle Sinhá (O Gato malhado e a andorinha Sinhá) que son adorable papa écrit pour lui, illustré par l’artiste Carybé.

Jorge Amado

Mais revenons un peu sur la vie de Jorge. À l’âge de 14 ans, il rentre dans le monde littéraire, travaille dans la presse au Diário da Bahia. Tandis qu’à 18 ans il écrit son premier roman, Lenita. Mais, devenu militant politique actif du parti Communiste brésilien, il est arrêté en 1935. Et deux ans plus tard, ses livres sont brûlés(1) publiquement. Alors il s’exile en Argentine et en Uruguay (1941 à 1942).

Puis, en 1946, l’écrivain athée est élu député du Parti communiste. Et le Baianais siège ainsi à l’Assemblée nationale brésilienne. Car, suite à la dictature de Getúlio Vargas (1882 – 1954), la démocratie doit être rétablie en 1946. Et Jorge Amado est là pour aider le pays. Alors le député de 34 ans fait des propositions. Dont certaines, après le vote, deviennent des lois. Par exemple celle de Liberté religieuse, toujours en vigueur (5º – VI, de la Constitution Fédérale de 1988).

En revanche, l’étau se serre à nouveau. Car suite à la mise en clandestinité du PC, le député baianais est destitué de son poste en 1948.

Du coup ce natif de Ferradas (Itabuna, Bahia) prendre ses distances. Et s’exile avec sa petite famille dans le pays du célèbre ingénieur Gustave Eiffel. Or Paris, capitale du modernisme, attire les Brésiliens depuis toujours. Et ici la presse de gauche, qui est au courant des talents de Jorge Amado, le reçoit tel un héros.

Grand hôtel Saint Michel

Alors, à Paris, cet auteur engagé s’installe au Grand hôtel Saint Michel. Pour lui et les siens c’est un lieu privilégié. Car c’est tout près du Jardin du Luxembourg, du Panthéon, de la prestigieuse Sorbonne. Ou du Musée national d’Histoire naturelle et de la Seine. Résultat, c’est un endroit idéal pour Jorge pour s’inspirer, écrire, voir des amis. Aussi il intègre dans son œuvre des personnages qu’il côtoie. Comme « madame Salvage ou concierge Li-U » se rappelle son fils João.

Ainsi Jorge avoue : « Je veux seulement conter quelques histoires. Certaines drôles. D’autres mélancoliques, comme la vie. La vie, ah, cette brève navigation de cabotage ! ». Navegação de Cabotagem(*) est publié en 1992.

Certes la pétillante Zélia Gattai aussi parle de ce Grand hôtel dans son livre Jardim de Inverno (Jardin d’hiver). Où elle décrit avec humour la période vécue dans le pays de Balzac. Or dans son œuvre Zélia évoque leur quotidien, leurs voyages, leurs amis artistes. Car, partout où ce couple généreux d’écrivains se trouve, il s’entoure de gens de gauche de haut vol intellectuel.

Les amis du couple AmadoGataï

Ainsi autour d’eux sont présents Alberto Moravia, Federico Fellini, Jorge Semprun, Aragon, Éluard. Ou encore d’Oscar Niemeyer, Vinicius de Moraes, Dorival Caymmi, Pablo Neruda, Picasso. Sans parler de Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, Simone Signoret, Yves Montand. Et j’en passe.

Mais ce bonheur s’arrête le jour où Jorge, Zélia et leurs fils sont expulsés du pays de Balzac. Sous l’ordre du président français Vincent Auriol, pour des raisons politiques.

Du coup c’est la Tchécoslovaquie en 1951 qui, par le biais de l’Union d’écrivains, a le plaisir de les accueillir dans un château près de Prague. Où naît leur fille Paloma. Puis, en 1952, toute la famille part pour l’Union soviétique. Encore là les livres de Jorge Amado cartonnent plus que jamais.

Une œuvre riche et fertile

Or il faut noter que Jorge Amado est édité en 80 pays, en 49 idiomes. Sans compter le braille et les livres audio. Travailleur acharné ce passionné de littérature passe des nuits entières à écrire. Résultat : en tout il signe une cinquantaine de livres. Et ce travail lui rend bien. Car grâce à son imaginaire créatif, Jorge vit exclusivement de sa plume.

Aussi l’auteur de Le Pays du carnaval (1931) devient un sujet des thèmes des écoles de Samba au Brésil. Au-delà d’être celui qui est le plus adapté au cinéma. Ainsi, grâce à lui, les femmes hautes en couleurs de son imaginaire populaire fertile rentrent dans le cinéma mondial. Car une pléthore d’adaptations de ses romans sont mises en scène. Parmi tant d’autres réalisateurs, il y a Marcel Camus, Nelson Pereira Dos Santos, Cacá Diegues, Bruno Barreto. Au-delà des documentaristes Glauber Rocha ou João Moreira Salles(*).

Mais le théâtre et la télévision s’emparent également de l’œuvre de Jorge Amado. Ainsi elle rentre dans les foyers brésiliens aussi par les fameux feuilletons télévisés (novelas). Sans parler des BD.

Bref, en 1963, Jorge Amado vend les droits du roman Gabriela Cravo e Canela (Gabriela, girofle et cannelle, 1958) à la Metro-Goldwyn-Mayer. Et avec cet argent il achète leur maison sur un terrain de 2.000 m2, au 33 rue Alagoinhas, à Rio Vermelho, Salvador de Bahia. Où les cendres du couple Amado repose tout près d’un arbre fruitier majestueux.

Année du Brésil en France

Aussi il est évident que Jorge Amado soit LA référence de la culture brésilienne en France. Car il s’agit d’un amour partagé entre ces deux culture. Et qui fait de lui un très bel exemple incontestable à mettre en relief pour clore cette Saison du Brésil en France.

Enfin l’œuvre immense et significative de Jorge Amado parle de ses racines brésiliennes. Pour mieux décrire les problèmes et les injustices sociales. Mais aussi la politique, le folklore, les croyances, les traditions. Afin d’imprimer son amour pour ce peuple joyeux et sensuel, de paix et de fêtes. Dans des ambiances magiques et colorées, qui sentent bon les épices et la mer.

Plaque Jorge Amado à Paris

Voilà les raisons pour lesquelles le Grand hôtel Saint Michel souhaite rendre hommage au charismatique Jorge Amado le 23 mars 2026. Car ça correspond aussi à ce jour de 1998, où l’écrivain reçoit le titre de docteur Honoris Causa dans l’enceinte de la réputée Sorbonne, à quelques pas de cet hôtel. Aussi, cette année là, la famille quitte la France. Où elle habite à Paris dans leur appartement au Quai des Célestins pas loin de leur amie de Rio, la chanteuse Cléa De Oliveira. Duda Tawil ajoute « avec des allers-retours durant 10 ans jusqu’au décès de Jorge ».

En somme les attachants Jorge Amado et Zélia Gattai laissent de beaux livres pour nous faire voyager.

Bonne lecture !

NOLDS.

(1) Livres brûlés comme dans le film Fahrenheit 451 de François Truffaut (1966).

(2) João Moreira Salles, fondateur de la l’incontournable revue Piauí. Aussi frère du réalisateur oscarisé Walter Salles pour « Je suis toujours là ».

(3) Édité par Gallimard en 1996, avec le titre Navigation de cabotage : notes pour des mémoires que je n’écrirai jamais.