Nelson Pereira Dos Santos au Festival du cinéma brésilien de Paris

Le livre Nelson Pereira Dos Santos et l’invention d’un cinéma national de Deise Ramos en vedette, lors de la diffusion du film Rio 40°, à Paris, ce 30 mars.

Nelson Pereira Dos Santos est décédé un 21 avril, tout juste une quinzaine de jours avant le Festival de Cannes 2018. Où le délégué général Thierry Frémaux et le cinéaste brésilien Cacá Diegues lui rendent hommage, vu par Regardinfos.com.

Mais, aujourd’hui, c’est la cinéaste et auteure Deise Ramos(1) qui parle de Nelson Pereira Dos Santos (1928 – 2018) à travers son très beau livre. Où elle retrace la vie de ce réalisateur brésilien avant et après sa renommée.

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Deise Ramos, auteure et cinéaste

Le livre de Deise Ramos

Car ce récit sur Nelson Pereira Dos Santos et l’invention d’un cinéma national est très très bien documenté. Dans cette biographie, l’auteure fait revivre ce cinéaste dès que sa vie est bouleversée à Paris. Or Deise met en avant, comme souligne Mathias Lavin dans la préface, « les aspirations, les goûts et les choix politiques de Nelson » dans son engagement pour la justice sociale.

Ainsi, dans ce livre, Deise Ramos nous fait suivre les pas de Nelson dans le Vè arrondissement de Paris. Dans ce parcours, c’est « comme si Nelson l’avait prise par la main pour se promener avec elle », confie Deise à Regard’Infos. De la rue Cujas, en 1948, où Nelson atterrit par bateau cargo du Brésil. Où il est accueilli par le peintre Carlos Scliar(2), qui lui fait découvrir le documentariste Joris Ivens (1898 – 1989). Ou encore à la rue d’Ulm. Où Nelson passait ses journées avec Henri Langlois (3) à la Cinémathèque française.

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Nelson Pereira Dos Santos, réalisateur brésilien

À Paris Nelson s’inspire pour le mouvement Cinema novo

Ainsi, âgé d’à peine vingt ans, Nelson est très bien entouré dans ce Paris de la fin des années 40. En fait, il arrive dans la ville lumière pour participer à un Congrès du Parti communiste. Et ce sera ici que Nelson a le déclic qui révolutionnera sa vie. Mais, surtout, ce déclic va changer pour toujours l’esthétique du 7ème Art au Brésil.

Bref cela transformera complètement le cinéma brésilien pour faire place au Cinema novo, ou Nouvelle vague.

Enfin une esthétique nationale brésilienne

Certes cet homme, formé en droit, souhaite désormais que le cinéma brésilien raconte la vie de son peuple, sa culture, sa littérature. Au lieu de montrer à l’écran une version édulcorée de Hollywood. Or Nelson veut « faire au Brésil un cinéma national. Tel qu’en France », et cela restera chevillé à jamais dans son corps. Aussi, pour cet homme pur, l’indépendance artistique est essentielle pour diriger et produire des films. C’est un point d’honneur !

En effet, ce changement est bien précisé aussi dans le livre de Deise Ramos. Comme le souligne Bernard Payen, dans l’émission Contre-bandes sur radio Libertaire, le 8/2/21. Car Payen note cette volonté de Nelson « de créer une esthétique pour le cinéma brésilien loin des productions étrangères. Et, notamment, américaine qui déferlait déjà à l’époque sur le cinéma au Brésil ».

Pris entre deux feux

Voilà donc l’évolution de Nelson à Paris. Sauf qu’il entend déjà l’appel de sa terre natale. Car il est rattrapé par ses obligations du service militaire. Mais aussi par des bonheurs familiaux. En effet il apprend que sa fiancée, l’anthropologue Laurita Sant’Anna, est enceinte de leur fils (Ney).

Retour au bercail pour enchaîner des chef-d’œuvres

Fini donc le séjour dans le beau pays d’Alice Guy (1873 – 1968), de Georges Méliès (1861 – 1938), des Frères Lumière (Auguste 1862 – 1954, Louis 1864 – 1948). Du coup, dès son retour au Brésil, le sérieux Nelson gagne sa vie comme journaliste avant d’imposer le mouvement appelé Cinema novo.

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Film « Rio 40° » affiché au cinéma Palácio.

Résultat. C’est dans cette lignée que ce grand homme réalise des œuvres majeures et les plus remarquables de l’histoire du cinéma brésilien. Telles que le magnifique Rio 40° (Rio 40 graus, 1954), un film qui a secoué le Pays. Considéré par Glauber Rocha (1939 – 1981) comme « Le premier film brésilien vraiment engagé… Il révèle le peuple au peuple, et montre aux jeunes une nouvelle perspective… » Ensuite Glauber affirme : « J’ai décidé d’être réalisateur lorsque je regardais Rio 40° » !

Certes, il est évident que c’est Rio 40° qui donne naissance à la mouvance qui renouvelle le cinéma au Brésil. Il marque la fin des films académiques et commerciaux, laissant bien plus de place à l’effervescence de la création artistique naturelle.

Nelson, le plus prospère des cinéastes littéraires

Or, dans un Pays énormément marqué par la dictature (1964 -1984), où il faudra jongler avec la censure, d’autres merveilles cinématographiques de Nelson se suivront. Parmi elles : Sécheresse (Vidas secas), 1963. Avec cette fiction Nelson obtient un triomphe international. Elle est ovationnée au Festival de Cannes 1964 et reçoit trois prix. Celui du « meilleur film pour la jeunesse », des « Cinémas d’art et d’essai », de l’« Office catholique international du cinéma (OCIC) ».

Sans oublier ses films comme le délicieux Qu’il était bon mon petit Français (Como é gostoso o meu Francês),1971, avec Jeanne Moreau. Ou encore Bouche d’or (Boca de Ouro), 1962, dont Nelson s’inspire d’une pièce de théâtre du grand auteur et journaliste brésilien Nelson Rodrigues. Aussi Racines du Brésil (Raízes do Brasil), 2003, un biopic de l’écrivain Sérgio Buarque de Hollanda. Ou Mémoires de prison (Memórias do Cárcere), 1984, adapté du roman éponyme de Graciliano Ramos.

Voilà pourquoi Nelson est considéré comme le cinéaste qui filme le plus des livres d’auteurs brésiliens. Par exemple : Monteiro Lobato, Gilberto Freire, Jorge Amado, Guimarães Rosa.

Un bébé fan de cinéma

Il est vrai que cet amour pour la littérature et le cinéma fait partie de la vie de Nelson depuis le berceau. Car l’on apprend, dans le discours de l’académicien Cícero Sandroni, en 2006, lors de l’entrée de Nelson à l’ABL, que son père est un cinéphile. Ainsi, tous les dimanches, Antonio Pereira dos Santos et son épouse Angelina Binari emmènent Nelson, avec son biberon et ses frères, au ciné-théâtre Colombo, à São Paulo.

En outre, son prénom est un hommage à l’intrépide vice-amiral anglais Nelson. Celui qui, au péril de sa vie, a anéanti l’armée française de Napoléon au large du Cap de Trafalgar dans l’océan Atlantique. Dont Antonio appréciait le mérite vu au grand l’écran.

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Enfants vendeurs de cacahuètes à Rio ©Rio 40°

Mais Nelson est aussi un vrai passionné des bonnes causes. À peine âgé de 15 ans, il intègre le Parti communiste brésilienPCB. Parti considéré clandestin par un président militaire, Getúlio Vargas (1882 – 1954, qui préside de 1930/1945 et de 1951/1954).

Puis, en 1949, Nelson réalise son premier documentaire, titré Jeunesse (Juventude) et financé par le PCB. Malheureusement ce film court de 45′, tourné en 16 mm, a disparu.

Rio 40° de Nelson Pereira Dos Santos à Paris

Mais le magnifique Rio 40° est toujours là. C’est un sublime noir et blanc doté d’une superbe lumière naturelle. Filmé avec caméra à l’épaule, une toute petite équipe, des formidables acteurs. Par exemple, les comédiens professionnels Jece Valadão (Miro), Glauce Rocha (Rosa), et des non-professionnels.

Enfin, Rio 40° sera diffusé ce mercredi 30 mars, à 15h, au cinéma L’Arlequin, à Paris VIè, dans le cadre du Festival du cinéma brésilien de Paris.

À cette occasion la juriste et actrice brésilienne Deise Ramos, auteure de Nelson Pereira Dos Santos et l’invention d’un cinéma national, présentera ce film. Mais aussi son livre, édité par L’Harmattan, sur ce talentueux réalisateur brésilien.

En somme ça donne une œuvre touchante à savourer et riche en informations. Un livre qui nous fait plonger avec un plaisir indéniable dans l’histoire identitaire du Brésil. Et, tout ça, à travers le cinéma de Nelson Pereira Dos Santos.

NOLDS.

Notes :

(1) Deise Ramos est de Niterói, Rio de Janeiro, ville côtière au sud-este du Brésil. C’est la même ville de Marcello Quintanilha l’auteur-dessinateur d’« Écoute, jolie Marcia ». Sa bande-dessinée vient de remporter le Fauve d’or du Festival d’Angoulème, ce samedi 19 mars.

(2) Carlos Scliar (1920-2001) loge Nelson Pereira Dos Santos lors de son premier voyage à Paris. Ce célèbre artiste designer et peintre brésilien disait à son ami communiste « Quand je peins, je suis en train de faire ma politique. Et ma politique est essayer de peindre le mieux possible ». Plus tard, 1957, Scliar signe l’affiche du film de Nelson Rio Zona Norte. Un film militant qui révèle les racines du Samba, et l’exploitation des auteurs-compositeurs des favelas par ceux qui font fi de leurs droits d’auteur.

(3) Henri Langlois (1914 – 1977), réalisateur, interprète, fondateur du Cercle du cinéma et de la Cinémathèque française.