Interview de Bertrand Piccard à Chambley

Rencontre avec l’aéronaute suisse Bertrand Piccard au Mondial Air Ballons, à Chambley.

Bertrand Piccard est un personnage exceptionnel. Car ce psychiatre et aéronaute a réussi, avec le pilote britannique Brian Jones, le premier tour du monde en ballon sans escale à bord du Breitling Orbiter 3, du 1er au 21 mars 1999.

Solar Impulse

Bertrand Piccard a aussi codéveloppé et copiloté avec le suisse André Broschberg l’avion solaire Solar Impulse, qui vole sans bruit, avec 4 moteurs électriques, sans aucun carburant. Avec lequel ils réalisent un tour du monde de mars 2015 à juillet 2016.

Objectif Soleil

Puis les deux amis, Bertrand et André racontent leur aventure dans le livre Objecti Soleil (éditions Stock, 2017). Où ils montrent l’histoire très humaine d’une équipe, avec ses amitiés, rivalités, défis. Et, surtout, « comment réaliser ses rêves, traverser ses peurs, angoisses, et doutes » explique-il. Écologiste avant tout, Bertrand Piccard donne sur le site https://solarimpulse.com/foundation « des solutions efficaces et rentables pour booster l’économie », tout en préservant notre impact sur la Planète .

Interview de Bertrand Piccard réalisée par Regardinfos, à Chambley le 28/07/2003.

RDI : Qu’est qui vous a donné envie de piloter un ballon ?

B. P. : En fait, moi, d’abord, j’étais pilote d’aile delta, pilote d’ULM, et j’aimais bien voler contre le vent. J’aimais bien avoir la maîtrise complète. Le ballon ne m’intéressait pas beaucoup jusqu’au moment où j’ai été invité pour participer au Chrysler Challenge comme copilote du ballon belge. C’était une transatlantique, départ des États-Unis pour arriver en Europe. Et c’est en fait pour cette aventure là que j’ai appris à piloter des ballons. Notre ballon a gagné et, ensuite, ça m’a donné des tas de possibilités de continuer dans le monde du ballon et de commencer à rêver au tour du monde. C’est pour ça que finalement je me suis retrouvé comme pilote de ballon.

RDI : Qu’est-ce que vous aimez quand vous êtes en vol en ballon ?

Breitling Orbiter
Breitling Orbiter piloté par Bertrand Piccard, à Chambley ©RDI

B. P. : Ce que j’aime c’est le jeu avec la nature. C’est la situation où l’être humain ne domine pas la nature. C’est la nature qui est le maître, et nous on doit s’adapter [car] on doit se fondre dans ce que la nature décide. Et on est un peu prisonnier du vent jusqu’au moment où on comprend qu’il faut changer d’altitude pour changer de direction. C’est quelque chose que j’aime beaucoup comme symbole pour la vie. Parce que je crois que dans la vie quand on est prisonnier d’un problème il faut aussi arriver à changer d’altitude dans sa tête.

RDI : Comment préférez-vous piloter, avec un copilote ou tout seul ?

B. P. : J’aime bien voler avec des gens qui n’ont jamais volé. Prendre des gens qui ont rêvé à voler, qui aimeraient tellement découvrir ça et qui n’ont encore jamais pu : le baptême de l’air. Parce que on voit les gens qui ont les yeux brillants et qui sont heureux dans la nacelle.

RDI : Quelle est votre tactique en vol ?

B. P. : Je crois qu’il y a des tactiques en fonction de chaque vol. Il y a des vols où on part en se disant « je ne sais absolument pas où je vais ». On garde la même altitude et puis on découvre des paysages. Et il y a des vols beaucoup plus tactiques où on essaie de faire des cibles, on essaie de traverser des vallées, on essaie de se fixer des buts à soi-même. Alors là il faut toujours modifier son altitude, jouer, taquiner le vent, pour essayer d’atteindre le but que l’on se fixe. Ça dépend. Ça dépend un peu de l’humeur. En principe, le matin je vais plutôt tranquillement et le soir je suis plutôt tactique.

RDI : Pouvez-vous nous raconter l’un de vos meilleurs souvenirs en vol ?

B. P. : Je crois que ça va forcément être dans les essais du Breitling Orbiter pour faire le tour du monde. Je crois que, un des souvenirs le plus fabuleux, en fait ce n’était pas pendant le tour du monde réussi. C’était la deuxième tentative avec le Breitling Orbiter 2.

Bertrand-Piccard
Bertrand Piccard ©RDI

Nous avons fait trois jours de vol sur l’Inde, à très basse altitude, 300 mètres d’altitude, dans une couche d’inversion. Ce qui fait que le ballon volait tout seul à 300m. Et on avait toutes les odeurs de cuisine avec les épices et les feux de cheminée qui montaient jusqu’à nous et les cris des enfants qui nous voyaient passer. Et on a survolé le Taj Mahal, on a survolé la banlieue de Calcutta. Des tas d’endroits où tout le monde s’arrêtait pour nous dire « bonjour », et nous on était assis sur le bord de la capsule à regarder. C’était vraiment le tapis volant qui survolait l’Inde. C’était incroyable ce moment là !

RDI : Et quel est votre plus grand souhait ?

B. P. : Mon plus grand souhait c’est que les êtres humains, en général, aient autant de respect pour la nature que les pilotes de ballon. Parce que je crois qu’en ce moment on est dans un monde qui prend vraiment une mauvaise direction. Je crois qu’il faudrait que les politiciens comprennent qu’il faut aussi changer d’altitude au niveau de l’éthique, au niveau de la bonne gouvernance, au niveau du respect des droits de l’homme, au niveau du développement durable. Ça je crois que c’est très important.

RDI : Merci beaucoup.

B. P. : Il n’y a pas de quoi.

NOLDS.