Nadkarni sculpteur du film « 2001 : l’odyssée de l’espace »

Regardinfos rencontre Bob Nadkarni, à Rio, pour commémorer les 50 ans de « 2001 : l’odyssée de l’espace ». Un film de Stanley Kubrick en vedette au Festival de Cannes 2018.

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Affiche 2001 : L’odyssée de l’espace

En effet le sculpteur Bob Nadkarni est l’un des Filmworkers qui a travaillé dans le fabuleux « 2001 l’odyssée de l’espace(1) ». Dont une copie(2) conforme à l’original de Stanley Kubrick (1928-1999), supervisée par Christopher Nolan(3), a été diffusée cette année au Festival de Cannes.

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Bob Nadkarni ©Regardinfos.com

Du coup Regard’InfosRDI part à Rio de Janeiro, au Brésil, pour interviewer Bob Nadkarni, maquettiste du chef-d’œuvre de Stanley Kubrick, pour apprendre un peu plus sur le grand cinéaste de ce film mythique.

Bob Nadkarni à Rio de Janeiro

Alors, au centre de Rio, au The Maze, l’équipe de RDI est accueillie par Marluce, la épouse de Bob Nadkarni. « Wellcome to The Maze » annonce cette belle indienne à la chevelure noire nattée jusqu’à la ceinture. Cette souriante native du Alagoas [nord-est du Brésil] souligne « Nous avons deux adolescents Luce et Éric, deux chats et un chien ». Tandis que l’artiste hindou-anglais, 74 ans, cheveux courts peints en bleu, moustache en rouge, barbichette en jaune, ajoute « Aujourd’hui, Bruno, mon fils du deuxième mariage, habite juste à côté. Il est étudiant. Mais, les dimanches, il s’occupe de la restauration indienne et prépare notre fameux curry ».

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Bob Nadkarni ©Regardinfos.com

The Maze : gîte – restaurant – club de Jazz et boîte de nuit

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The Maze – Club de Jazz ©Regardinfos.com

Aussi le soir The Maze se transforme en Club de Jazz et en boîte de nuit, où la société carioca (de Rio) vient prendre un verre. Mais surtout écouter de la bonne musique, et danser jusqu’à l’aube. Le lendemain matin, avant le ménage, quelques bouteilles de bière éparpillées accusent leur présence. Et les infatigables Bob et Marluce sont déjà là pour une conversation matinale avec les hôtes alors que le petit déjeuner est servi. À table : fruits tropicaux, jus fraîchement pressés, fromages, pains divers, boissons chaudes, attendent les hôtes devant une vue mémorable.

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Baie de Guanabara, vue de « The Maze » ©Regardinfos.com

Une vue exceptionnelle

Car c’est une vue unique sur la Baie de Guanabara. Où se distinguent le Pain de Sucre et le petit aéroport Santos Dumont. Et, tout au-delà de la baie et de l’ immense pont qui la traverse, se montre la charmante ville de Niterói avec la belle architecture du Musée d’Art Contemporain, MAC. Telle une soucoupe volante, suspendue sur la plage de Boa Viagem.

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MAC, plage de Boa Viagem

L’œuvre de l’architecte brésilien Niemeyer veille sur la mer, ainsi que sur les capitales des anciens États de Rio(4) et de Guanabara.

The Maze – Le Labyrinthe

Or c’est sur les hauteurs de Catete que Bob Nadkarni vit avec sa tribu. Arrivé au Brésil en 1972, le Britannique prend, douze ans plus tard, possession d’un terrain dans ce quartier situé entre le centre de Rio et Flamengo. Ici, dans une communauté (ex-favela), Bob a choisi de poser les fondations de sa maison. Fils d’un Indien de Punam (province de Bombay, Inde) et d’une Anglaise, le sculpteur de « 2001 : l’odyssée de l’espace » a édifié sa nouvelle vie avec The Maze, le labyrinthe. Dont il a fait lui même le plan. Tel un dessin du graveur néerlandais M. C. Escher où tout s’imbrique dans une architecture étonnante avec des multiples escaliers étroits, et des mosaïques colorées.

La violence n’est pas partout

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Vue sur l’aéroport Santos Dumont et Niterói ©Regardinfos.com

Ainsi The Maze règne du haut de la communauté Tavares Bastos. Où les chauffeurs de taxi ne se sentent pas toujours en confiance à s’y aventurer, et interrogent les clients avant de s’infiltrer dans la colline. Néanmoins ils se tranquillisent dès qu’ils voient que des familles y habitent en paix. Certes, actuellement, la sérénité est très rare à Rio où l’inquiétude est de rigueur. « La violence bat son plein. Tous les jours des personnes sont abattues dans la ville, et les bars sont obligés de baisser leurs rideaux à 22 heures. Beaucoup ont fait faillite parce que les gens ont peur d’être dehors », corroborent plusieurs habitants dans divers locaux visités. Il est vrai que dans une telle ambiance d’insécurité, la favela Tavares Bastos est une exception qui échappe à la règle. Car, par ici, circulent tranquillement avec des passagers : motos, mini bus, taxis. Toutefois seulement jusqu’au premier sommet de la colline, puisque la suite ne peut se faire qu’à pied. Par ailleurs il n’existe qu’une seule voie d’accès aux rues de la communauté.

BOPE

En effet la raison de cette sérénité s’explique par la présence du BOPE – Batalhão de Operações de Polícia Especial. Dont la mascotte est un vautour noir apprivoisé, un urubu, qui surveille depuis le toit du bâtiment. Or dans cette école se forme le noyau dur

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The Maze et BOPE au fond ©Regardinfos.com

de la Police, dont les agents s’entraînent au pire. « Du coup tous les bandits sont partis, en emportant leur drogue », se félicite un résident. Par ailleurs, dans cette favela pacifiée plusieurs films à succès ont pu être tournés. « Notamment dans The Maze, dans le bâtiment du BOPE, et dans ces rues très étroites. Par exemple : Fast and furious (2010), Hulk2 (2008), Le transporteur (2002) », note le batteur-percussionniste franco-brésilien ManoDDay. Mais aussi après une annonce rassurante de Bob Nadkarni parue dans plusieurs revues de cinéma. « Shoot without being shot, avec cette phrase qui signifie filmez sans être tiré dessus, explique-t-il, nous sommes devenus un lieu de tournage connu des industries cinématographiques. »

Entretien entre Regardinfos et Bob Nadkarni

Mais revenons à Bob Nadkarni et sa rencontre avec Kubrick. En effet, après les Beaux-Arts, Bob travaille tout de suite avec le réalisateur Stanley Kubrick dans « 2001 : l’odyssée de l’espace ». Dont voici le texte de la vidéo de RDI, visible sur Youtube.

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The Maze ©Regardinfos.com

Regard’Infos : Bob, quel était exactement votre travail parmi l’équipe de Stanley Kubrick ?

Bob Nadkarni : Je faisais partie d’une petite équipe assez jeune. Il n’avait qu’un homme qui était plus vieux, c’est John Gant. Lui il avait beaucoup d’expérience pour faire des maquettes, des maquettes de n’importe quoi. Moi j’étais un sculpteur. On avait peut-être une vision un peu différente… plus artistique. On était six personnes.

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Harry Lange, dessinateur NASA

RDI : Pour les effets spéciaux aussi ?

B. N. : Oui. On était dans le département d’art et dans le département d’effets spéciaux. Il y avait aussi un Allemand-Américain qui s’appelait Harry Lange [dessinateur, 1930-2008], qui avait travaillé pour la NASA (National Aeronautics and Space Administration). Et après on discutait, si ça va ou si ça ne va pas.

Discovery
Discovery, vue extérieure. Vue intérieure, avec Kubrick et Dullea  ©Kubrick films

 

Il y avait lui… de temps en temps il y avait Arthur Clarke (1917-2008) [auteur de La Sentinelle, nouvelle de science fiction qui a inspiré 2001 : L’odyssée de l’espace]. Ensuite l’on faisait la construction des maquettes. Par exemple, la première dans laquelle j’ai travaillé c’était la station de l’espace. Cette roue énorme [la station V, en forme de roue en rotation], que j’ai presque fait tout seul.

RDI : C’était toujours des petites équipes avec Kubrick ?

B. N. : Oui, oui, oui.

RDI : Et pas de femme ?

B. N. : Oui, oui, il y avait une femme. Il y avait Livia Rolandini.

RDI : Donc vous avez fait la maquette de la grande roue ?

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Maquette du Discovery – 2001 l’odyssée de l’espace ©Kubrick films

B. N. : De la grande roue, du Discovery module, de petits autobus de l’espace. Je ne sais pas comment dire.

RDI : Comme le module qui atterri.

B. N. : Comme [la NASA], on a fait le truc qui est arrivé sur la Lune, presque en même temps ! Ah, ah… On a détaillé les choses plus grandes. Par exemple la Discovery maquette. Le modèle le plus petit avait, peut-être, 13 mètres. Quand Keir Dullea [qui joue le rôle de David Bowman] court dedans, la roue tournait. Ça roulait ! C’était normal. 

À ce propos, une fois j’étais tout nouveau là, Kubrick tournait avec Keir Dullea. Il parlait, et j’écoutais tout. Parce que c’est le grand homme qui parle ! Il a dit : – « Je veux faire un close [gros plan, GP] très blanc, mais d’un blanc pas égal. Mais je ne veux pas voir ça. Je veux sentir ça ! ». C’était trop vague. Et le type [le directeur photo], il a mis quelque chose devant la lumière comme ça, pour casser un petit peu… – « Mais non, ce n’est pas ça ! »À ce moment là, j’ai dit : – « Eh, monsieur, si vous jetez la lumière sur la surface ronde, sphérique, qui est toute blanche, ça va réfléchir exactement ce que vous voulez ». Tout le monde m’a regardé ! Je disais : – « Pardon, pardon… ». Je voulais disparaître !

Et Kubrick dit : – « Eh, eh, up. On va faire ce que cet homme a dit ! », ou quelque chose comme ça. C’était la dernière fois que j’ai ouvert la bouche dans le studio. Mais ils ont fait la scène avec Keir Dullea exactement comme j’avais dit ! Yeahhh ! Ah, ah, ah !

Stanley-Kubrick
Stanley K. ©Kubrick films

 

RDI : C’était une bonne idée !

(Clap de fin de la vidéo)

Kubrick un perfectionniste généreux

Ainsi Nadkarni confirme ce qu’évoquait Leon Vitali, à RDI, lors du Festival de Cannes 2017, sur les exigences professionnelles et la noblesse de cœur de Stanley Kubrick.

En effet, « Les premiers jours, raconte Nadkarni, j’ai travaillé vingt heures quotidiennement. Je ne dormais presque pas. Mais dans ces temps là c’était différent… Officiellement on travaillait huit heures par jour. Ensuite c’était overtime [heures supplémentaires], et après deux heures d’overtime c’était [payé] le double. Et si, par exemple, on terminait la journée et on recommençait avec moins de dix heures de repos tout était payé en overtime plus une journée de travail. Ça s’appelle ghoster en anglais. »

Résultat : Bob reçoit en guise de premier salaire « un sac plein de billets ». « Ce n’était pas des chèques à l’époque, dit-il. Avec cet argent je me suis acheté cash une voiture Mini toute neuve, sans avoir besoin de tout dépenser... Je suis resté dans l’équipe de Kubrick presque un an. J’étais un homme riche et j’ai acquis une maison à Londres. »

Stanley Kubrick un économe des mots

Par ailleurs Bob avoue que « l‘on ne comprenait pas grande chose de ce que Kubrick disait. Il ne parlait pas beaucoup. Puis, il acquiesçait avec un : – D’accord ? Ok ? Compris ? Et toute l’équipe répondait : Oui, sans être trop sure… Kubrick était monosyllabique ! Car avec lui c’était : Oui, non ! Et il était déjà parti pour s’occuper de quelque chose d’autre… Bref c’était toujours difficile de savoir si l’on avait bien compris, ou pas. »

Kubrick un révélateur de talents

En revanche Bob se rappelle du bonheur de travailler avec quelqu’un de si inventif que Kubrick. Selon lui « 2001 » a eu beaucoup de répercussion positive sur la vie de ceux qui y ont travaillé, révélant divers talents. « Après L’odyssée de l’espace David Watkins, qui faisait des maquettes, a commencé à fabriquer des bijoux très fins qui imitaient le Discovery. Et très vite il a éclaté dans le marché… Même la Reine Elizabeth II d’Angleterre a acheté ses bijoux. Et il est devenu le chef bijoutier du Royal College of Art. Quant à Livia Rolandini elle s’est mise a construire, avec succès, des sculptures très influencées par le travail qu’elle a fait sur 2001 : l’odyssée de l’espace. »

Bob Sings Duck & Drake
Bob sings Duck & Drake

Bob Nadkarni un homme avec plusieurs cordes à son arc

Quant au baroudeur anglais d’origine indienne il se complaît, depuis Kubrick, dans des nombreuses activités artistiques et journalistiques. Son nom est ainsi cité en tant que : auteur de séries télévisées, caméraman, réalisateur, producteur, peintre, musicien, chanteur, acteur.

En tant qu’acteur, rajoute Bob « La première fois c’était quand je travaillais avec Kubrick sur 2001: l’odyssée de l’espace, dont le tournage a débuté le 29 décembre 1965. Par hasard, en

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Séquence L’Aube de l’humanité, jouée par Adrian Haggard

sortant de la cantine de MGM [Metro Golding Meyer], je bascule un grand singe qui joue dans la séquence Dawn of man (L’aube de l’humanité). Et le singe crie : – « Nadders ! » Nadders était mon surnom entre 11 et 17 ans, et lorsque le singe enleve son masque je reconnais un ami de l’école, Adrian Haggard. »

Bob Nadkarni et Yoko Ono

Puis en sortant du tournage de Kubrick les deux amis vont prendre un pot. Mais soudain Adrian se souvient qu’il doit aider un copain sur le court métrage Channel 4 (1966). Donc  ensemble ils se dirigent vers le quartier de Kensington (Angleterre).

Bob se souvient : « Dans un sous-sol tout noir, nous nous trouvions face à une douzaine de jeunes filles, lorsqu’un petit assistant de production a demandé : – Qui est le premier ? Alors une japonaise réagit : – C’est mon tour. Je le fais maintenant ? Bref en deux petites secondes elle s’est mise totalement à poil, a monté sur un plateau tournant et a commencé à marcher. De suite, muni d’une caméra 16 millimètres, un type a filmé son derrière avant d’appeler la personne suivante. Puis il s’est adressé à Adrian : – Où il est ton ami ? Dès lors je me suis déshabillé, et moi aussi j’ai eu mon derrière sur la pellicule.  – Devinez, qui est-ce la Japonaise ?… C’est Yoko Ono», avant d’épouser John Lennon, du groupe The Beatles.

À ce moment là Yoko réalise Channel 4 avec son mari, Antony Cox. Dans leur 6′ il n’y a que des fesses de gens en train de marcher… Personne ne m’a reconnu. Même pas moi ! Selon Yoko, le but de ce film est d’encourager le dialogue pour la paix mondial. »

Deux héros face à un escroc

Entre autres souvenirs et deux gorgées de thé, Bob se remémore un acte héroïque accompli une nuit à 3h du matin. Lors du tournage de The Dirth dozen (Les douze salopards, 1967), avec Lee Marvin et une pléiade d’acteurs, Nadkarni et David Peterson sauvent « plus de 70 véhicules de guerre d’une explosion ». Dans cette aventure Bob brûle ses chaussures et David ses habits. « En revanche Ronnie Bear, le chef de post-production de 2001, met dans sa poche les 500 libres de prime qui nous étaient destinées. Mais quand le réalisateur, Robert Aldrich, l’apprend il vire Ronnie. Et il nous remercie, en disant : – Vous deux, vous avez sauvé mon film, et Ronnie ne travaillera plus jamais pour moi. »

The Doors, the doors are open
The Doors, the doors are open

 

The Doors

Ensuite Bob devient l’assistant de production du documentaire The Doors : the doors are open (1968), de John Sheppard. Avec voix de Jim Morrison, Robby Kriegger à la guitare, le rythme endiablé du batteur John Densmore, et les claviers de Ray Daniel Manzarek.

Nadkarni, correspondant UPI – Visnews – BBC

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Bob Nadkarni 1970

Le temps passe. En 1982 Bob Nadkarni s’installe à Rio de Janeiro et la Télévision américaine l’appelle pour couvrir Sabra et Châtila(5), Beyrouth (Liban). Sur place ces événements causent une tristesse très profonde à celui qui pensait être un homme fort. « C’était horrible !  Psychologiquement, j’étais totalement détruit ! Je ne pouvais même plus parler, ni dormir. Alors un type m’a mis dans un avion pour que je parte vite. Je suis rapidement passé en Angleterre avant de rentrer au Brésil. Et là on me téléphone pour me dire que ma mère est décédée. Ça a été insupportable ! Je suis resté trois jours dans le coma… J’avais besoin de dormir, seulement de dormir. »

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Bob Nadkarni et sa mamam

Comme après la tempête vient le beau temps, Nadkarni s’en sort. Il devient reporter pour UPI United Press International, Visnews (aujourd’hui Reuters TV), réalise des documentaires pour la BBCBritish Broadcast Company. « En tout j’ai fait quelques 500 documentaires, énonce-t-il, où j’étais tout à la fois, rédacteur, preneur de son, monteur. Dans d’autres moments j’écrivais quatre scripts par semaine pour des programmes de télévision. De temps en temps je faisais le travail d’ingénieur du son. J’ai beaucoup travaillé avec un ami à moi, un caméraman beaucoup meilleur que presque tout le monde, Brian Sewell, qui travaillait pour la BBC et National Geographic. »

La misère n’est pas facile à filmer

Aussi Bob tourne beaucoup au Brésil. Des tribus Indiennes d’Amazonie, en passant par les extracteurs de caoutchouc sauvage (seringueiros), les orpailleurs (garimpeiros), et les petits agriculteurs pauvres. Mais également des prêtres, des industriels, des criminels, des terroristes, ou des gens lambda dans la misère.

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Bob Nadkarni, 1983

Bob se souvient des moments terribles qui l’ont marqué à jamais. Comme par exemple, ce jour où il tourne pour UPITN, dans une immense  décharge à Petrópolis, montagne de Rio. Car il voit dans son cadrage un enfant, d’à peine 4 an, disputer un morceau de viande avec un vautour noir en tirant chacun d’un côté. « Filmée en 16mm, précise-t-il. Cette image a fait le tour du monde ». Un autre jour, cette fois-ci pour la Télévision néerlandaise, sur ce même tas d’ordures, Bob témoigne de «  la mort d’un couple de jeunes avec le visage heureux. Des amoureux intoxiqués par le monoxyde de carbone alors qu’ils se sont endormis dans une baraque».

Des vedettes enregistrées dans le monde entier

NAGRA
NAGRA

Dans tous ces parcours, Bob a beaucoup travaillé avec son Nagra (6) avec lequel il enregistre les sonores de ses documentaires. Ainsi muni du merveilleux appareil, fabriqué par le polonais Kudelski, Bob met sur sa bande une brochette de stars. Allant de Jimi Hendrix à Bob Dylan en passant par The Who, Freddy Mercury, Gilberto Gil. Mais aussi des acteurs. Tels que : Paul Newman, Audrey Hepburn, Stefania Sandrelli, John le Carré, Charlton Heston.

Sans compter une multitude d’autres personnalités comme l’écrivain Jorge Amado (1912 – 2001), le réalisateur Jean-Luc Goddard, l’ex-président du Brésil João Batista Figueiredo (1918 – 1999), le palestinien Yasser Arafat (1929 – 2004), la princesse Anne, Ayrton Senna (1960 – 1994). Ou encore d’autres acteurs comme Charlotte Rampling, Irène Jacob, Bill Pullman, Fisher Stevens(5). Avec lesquels Bob joue dans « Rio sex comédie » (2011), un long métrage de Jonathan Nossiter tourné dans The Maze. « Ils sont restés, raconte Bob, pendant cinq mois dans la maison ». Par ailleurs Bob est aussi l’un des personnages, avec Tom Ashe et Jody King, du documentaire « Gringo favelado » (2016) d’Alex Kryszkiewicz sur des anglophones habitant les favelas de Rio.

De Sylvester Stalone à Laurent Voulzy

Voilà pourquoi, à côté des tableaux peints par Bob, des photos de visages célèbres illustrent les murs de The Maze, témoignant de leur passage chez lui. Comme les acteurs Sylvester Stallone et Edward Norton, ou le joueur de football Thierry Henri. Mais aussi compositeur Laurent Voulzy venu enregistrer ici le clip de son disque Spirit of samba.

L’arrivée de Bob Nadkarni au Brésil

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Bob Nadkarni, sculpteur

Concernant la vie sentimentale de Bob. Nadkarni se marie en premières noces, à l’âge de 21 ans, avec Sue une top modèle de 19 ans. Chacun voyage beaucoup. Elle pour des séances photo, lui pour des tournages de films. De ce fait le couple se voit très peu. « Sue Nadkarni fait la couverture de Vogue magazine. C’est une très très belle femme, commente Bob. Elle est convoitée par tous les hommes de la Planète qui tombent amoureux comme des mouches ». Six ans plus tard c’est le divorce. Bob souffre. Il est « en petits morceaux »…

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Sue Nadkarni 1969 ©Brian Songhiirst

 C’est alors qu’un ami lui conseille de faire un long voyage en bateau « pour jeter toutes ses larmes à la mer ». Pour couver sa tristesse, aussitôt Nadkarni embarque sur le Messagerie maritime qui part pour l’ Équateur. Néanmoins, grâce à une panne de moteur en plein Océan Atlantique, ce navire français s’arrête 8 jours pour la réparation à Salvador de Bahia. Ainsi tous les voyageurs débarquent sur les terres du Nord-Est brésilien. Et, c’est le premier jour du fameux Carnaval… Résultat : le Messagerie Maritime repart avec les affaires Bob. Mais sans lui. « Je suis resté au Brésil avec un jean et un t-shirt, évoque-t-il. Eh bon, c’est la meilleure chose qui est arrivée dans ma vie ! »… En effet Bob se passionne pour le Brésil, et prolonge son voyage jusqu’à Rio de Janeiro. Où après un an il achète une maison à Leme, à côté de Copacabana (zone Sud).

Nadkarni, un filmworker amoureux de Rio

Certes dans ces temps là, le Brésil est encore à sa huitième année de dictature. Et à la fin de l’année, deux militaires prennent Bob chez lui, pour l’emmener à un autre navire et l’expulser du pays. « Durant presque un an je suis resté interdit de séjour, dit-il. Plus tard, je suis rentré à nouveau mais j’ai dû travailler un petit peu caché ». Enfin après sept ans la roue tourne… Et, en 1979, l’United Press International UPI lui demande d’être leur correspondant au Brésil. « Alors je me suis installé officiellement avec un visa, se réjouitil, et les militaires m’ont laissé en paix.»

Bob Nadkarni
Bob Nadkarni ©Regardinfos.com

Ensuite Visnews (aujourd’hui Reuters TV) le contacte. Immédiatement. Ensuite c’est le tour de la BBC, avec laquelle Bob avait déjà travaillé plusieurs années en Angleterre, pour « des long métrages et de films commerciaux ».

L’inattendu c’est un atout

Et comme le hasard fait bien les choses, un jour de 1980, la femme de ménage de sa maison tombe malade, et Bob l’amène chez elle. Il se remémore et ses yeux bleus pétillent… « Je suis monté ici. De sa petite maison, par sa toute petite fenêtre, j’ai regardé dehors et j’ai eu droit à cette vue splendide. Devant cette beauté je me suis promis que j’allais construire mon atelier de peinture ici, pour quand je ne ferais plus de films. Et l’année suivante j’ai commencé à le faire sortir de terre. »

Peinture-de-Bob-Nadkarni
Bob et Malu, tableau peint par Bob Nardkarni

Or à Rio de Janeiro, Bob convole en justes noces et de cette union est né Bruno. Suite à un deuxième divorce, il épouse Marluce. Ensemble ils conçoivent Luce et Éric. « Tous mes trois enfants sont nés ici sur la colline, déclare Bob, et on ne peut pas trouver un homme plus heureux que moi ! ».

Techniciens cinématographiques : Filmworkers

Ainsi, à nouveau, Regard’Infos fait entendre la voix des techniciens du cinéma. De ces artistes qui œuvrent dans l’ombre, et qui sont des pièces maîtresses et incontestables pour la réussite d’un film.

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T. Zierra et L. Vitali, Cannes mai 2017 ©Regardinfos.com

Car cet entretien de Bob Nadkarni s’ajoute à celui de Leon Vitali, un autre technicien, acteur et bras droit de Stanley Kubrick, star du documentaire « Filmworker » de Tony Zierra. Et, tout comme Leon, Bob est aussi un personnage très attachant de l’entourage cinématographique de Stanley.

NOLDS.

Notes :

(1) «  2001 : L’odyssée de l’espace » reçoit l’Oscar des meilleurs effets visuels, en 1969. Tourné en sept mois ce film futuriste demandera deux ans de post-production. Stanley Kubrick met en scène l’évolution de l’homme jusqu’à la vie extra terrestre, en passant par la technologie et l’intelligence artificielle. Depuis l’usage du premier outil, à l’aube de l’humanité, lorsque l’apparition d’un mystérieux monolithe, noir, géant, émettant des ondes, qui bouleverse la vie des primates. Tandis qu’un 2001, sur la Lune, un scientifique trouve un monolithe semblable qui émet des signaux vers Jupiter.

Plus tard la mission de deux astronautes est mise en péril par HAL9000 (l’ordinateur de bord du vaisseau) qui se révolte et veut empêcher l’un d’eux hommes (David Bowman) de retourner dans le vaisseau. Ainsi, comme d’habitude, pour expliquer le combat entre l’homme et la machine, Kubrick en met plein la vue du spectateur. Par des images étonnantes, sonorisées par une musique excellente, sans jamais lésiner sur les moyens et les détails. Avec un budget de 10 millions de dollars dont 60% dédiés aux effets spéciaux, ce film fascinant est considéré, à ce moment là, comme le plus cher de l’histoire du cinéma.

– Anecdote du tournage de 2001 : L’odyssée de l’espace

Pour la petite histoire « Lors du tournage de 2001, raconte Bob, Peter Sellers arrive dans le studio, et commence à danser. Tout le monde rigole et Kubrick est obligé d’arrêter de filmer. »

(2) C’est la Warner Bros et Katharina Kubrick, la fille de Stanley, qui ont financé la copie 70mm pour la restauration de « 2001 : l’Odyssée de l’espace ». Afin qu’elle soit exactement pareille et dans le même format que l’original, sorti en avril 2008. Cela parce que le format 70mm est la plus haute qualité de définition pour le cinéma, puisqu’il permet la projection sur un très grand écran. Et pour être fidèle à Stanley Kubrick qui a toujours voulu le meilleur, l’excellence, que ce soit pour le son ou pour l’image.

(3)  Ce jour là au Festival de Cannes 2018, Christophe Nolan souligne : « Un de mes premiers souvenirs de cinéma est d’être allé au Leicester Square, à Londres, avec mon père, voir 2001 : L’Odyssée de l’espace. Alors participer à la recréation d’une nouvelle copie, 70mm, non restaurée, du chef-d’œuvre de Kubrick, dans toute sa splendeur analogique, est un honneur et un privilège ».

(4) États de Rio de Janeiro et de Guanabara

L’État de Rio de Janeiro (dont la capitale est la ville de Niterói, la « cité souriante ») et l’État de Guanabara (capitale ville de Rio de Janeiro) fusionnent le 15 mars 1975, durant la dictature militaire (gouvernement du général Ernesto Geisel). Cette union, en un seul État, prend alors le nom d’État de Rio de Janeiro ayant pour capitale la ville de Rio de Janeiro. Suite à la construction du Pont Rio-Niterói, 13 km, sur la Baie de Guanabara, qui unit les deux anciennes capitales.

Auparavant le transport entre les deux États se faisait par bac, en 20′.  Où par des embarcations plus petites et plus rapides en 10′. Ou encore par terre, par Duque de Caxias, environ 42′ du centre de Rio au centre de Niterói.

(5) Le massacre de Sabra et Châtila (16-18/9/1982), envers des Palestiniens du quartier de Sabra et du camp de réfugiés palestiniens de Châtila, situés à Beyrouth ouest, a fait beaucoup de morts et de blessés.

(6) NAGRA, célèbre enregistreur sonore, créé par l’ingénieur polonais Stefan Kudelski. Dont le nom vient d’une étymologie slave du mot enregistrement, qui signifie  « il enregistrera ».

(7) « La voix de Fisher Stevens, ajoute Bob, a été entendue dernièrement dans le doublage de Scrap dans le film « Isle of dogs » [L’Île aux chiens, 2018], de Wes Anderson »