« Pentagon Papers » un suspense signé Spielberg
Pentagon Papers est un suspense journalistique. Un thriller efficace. Où le réalisateur Steven Spielberg y raconte la bouleversante histoire du journal américain The Washington Post.
Pentagon Papers est un film poignant qui rend un bel hommage à la presse d’investigation, et aussi aux femmes.
Une équipe oscarisée
La mise en scène de Pentagon papers est remarquable. Spielberg a choisi, entre autres talents présents, deux monstres sacrés du cinéma. La sublime Meryl Streep et l’excellent Tom Hanks.
Ainsi Meryl Streep joue le rôle de Katharine Meyer Graham, Kay, directrice du Washington Post(1). La première femme à la tête d’un grand journal américain. Tandis que Tom Hanks interprète Ben Bradlee, rédacteur en chef du quotidien. Cet homme qu’elle a recruté respecte la déontologie, tient à défendre le droit de la presse et à publier la vérité. Bref, les deux s’entendent bien dans leurs exigences. Soit le respect du travail bien fait, la liberté de la presse, leur responsabilité vis à vis des citoyens.
Pentagon Papers et ses révélations accablantes
Enfin en 1971, le New York Times publie un scoop explosif sur des documents du Pentagon classés « top secret ». De suite le président Richard Nixon (1969 – 1974) déclare la guerre au New York Times et à ses journalistes. Avec une injonction pour interdire la diffusion de ces documents.
Par conséquent le terrain est libre. Et le Post peut prendre la relève. Alors il rattrape son retard sur le New York Times. Par des articles pertinents révélant les mensonges de l’État américain, leur intervention politique et militaire au Vietnam. Dès lors ses rotatives roulent imprimant cet immense scandale de l’État américain.
Ces dossiers chauds, de l’état-major des forces armées des États-Unis, sont appelés Pentagon Papers. C’est l’«Histoire des décisions prises par le gouvernement américain dans la Guerre du Vietnam, 1945 – 1966 » ; un rapport de 7000 pages, en 47 volumes.
Un lanceur d’alerte solidaire
En effet le formidable lanceur d’alerte est Daniel Ellsberg, un militaire. C’est un brillant économiste analyste de la RAND – Research And Development, fondée en 1945 par US Force. Ainsi ce Marine a passé deux ans sur le terrain au Vietnam. Et il a participé aussi à la rédaction du document « top secret ».
Mais Daniel Ellsberg craque littéralement en 1969. Ce patriote est scandalisé par les contradictions criantes entre ce qu’il a vécu et ce qui se trame, secrètement, dans les bureaux fermés de Washington. Et par tout ce qu’il entend, lorsque le gouvernement communique sur cette guerre(2).
Dès lors avec un collègue de la RAND corporation, Anthony Russo, ils décident d’agir, par solidarité envers les soldats. Malgré le danger auquel ils s’exposent, ils photocopient « Le rapport » pour la presse, discrètement, en plusieurs exemplaires.
Pentagon Papers – Nixon joue contre lui-même
Du coup Ellsberg devient une personne non grata pour le gouvernement américain. Nixon le surnomme « fils de pute » et son célèbre conseiller à la Défense Nationale, Henry Kissinger, lui attribue le titre de « homme le plus dangereux des États-Unis ».
Or cette affaire révèle les manipulations des successifs présidents, Truman (1945 – 1953), Eisenhower (1953 – 1961), Kennedy (1961 – 1963) et Johnson (1963 – 1969). Afin de cacher la vérité sur leurs décisions, dans les opérations militaires et politiques désastreuses dans la guerre du Vietnam. Une guerre qui a fait, au total, plus d’un million de morts. Sans parler des blessés et des personnes restées handicapés à vie.
Un journal local fait son entrée dans la cour des grands
Mais c’est grâce à l’injonction de Nixon, interdisant le New York Times de continuer à publier, et le fait que Daniel Ellsberg envoie aussi au Washington Post un exemplaire du rapport, que Kay, Bradlee et toute l’équipe de la rédaction ont pu donner de l’éclat à leur journal. Car, malgré les risques judiciaires incongrus, sous peine de prison, le Post divulgue Le rapport dans un temps record de rédaction. Résultat : il devient une des plus grandes références de la presse américaine.
Une entreprise familiale
Étant donné que ce journal familial est l’une des fiertés de Katharine Meyer Graham elle doit être lucide. Et agir vite pour faire face aux événements.
Kay a hérité le Washington Post, en 1963, de son époux, Phill Graham, qu’« elle adorait et respectait », explique Spielberg. Auparavant le papa de Kay, Eugène Meyer, l’avait confié à Phill. Après le décès de Phil, âgée de 46 ans, et mère de quatre enfants, Kay prend la tête de l’entreprise gardant le choix éditorial que son mari tenait tant à cœur : le journalisme d’investigation.
Une Femme qui sait ce qu’elle veut
Donc pour Katharine M. Graham ce journal représente toute sa vie. Un « journal dans lequel son père et son mari s’étaient investis corps et âme » explique son fils Don Graham, vétéran de la guerre du Vietnam, et président de la Graham Holdings. Ainsi motivée par toutes ces raisons, Kay va le défendre, dans ce milieu réglé par des hommes, avec toutes ses douces griffes et son culot féminin. Et pourtant Kay, selon son fils, « aurait sans doute gagné la palme internationale du manque de confiance ».
Alors Kay écoute attentivement tous les hommes de son entourage. Puis, avec son sourire malicieux et ses yeux pétillants, elle a l’audace de prend seule la décision qu’elle trouve être la meilleure, la plus juste ; à la hauteur des valeurs de son organisme de presse. Et tout ça est restitué à merveille, par l’interprétation de Meryl Streep, dans le film de Spielberg.
Équipe de choc avec des filmworkers oscarisés
Muni de toutes ces billes, et dans une explosion de savoir faire cinématographique, Spielberg filme et le résultat sonne juste. Dès le premier plan, avec l’armée américaine dans la forêt vietnamienne, rythmé de sons d’ambiance bien dosés. Par exemple, ces gouttes de pluie qui tombent sur la tête des soldats, immédiatement suivies de tirs et bombardement.
Pour réaliser Pentagone Papers, Spielberg s’est entouré d’une équipe de choc composée de fidèles collaborateurs. Car chacun a apporté son talent de filmworker Parmi eux le compositeur John Williams, le chef-opérateur Janusz Kaminski, le chef-monteur Michael Kahn, le chef décorateur Rick Carter, et la merveilleuse chef-costumière Ann Roth.
Pentagon Papers du grand Spielberg
En outre Spielberg, comme Stanley Kubrick, aime les détails. C’est un perfectionniste. Ainsi il a tourné Pentagon Papers en pellicule Kodak 35mm en hommage au cinéma des années 70, et être plus près de la réalité de l’époque.
Puis en image de fin Spielberg rappelle une autre affaire, qui cause la chute du président Nixon : l’affaire du Watergate(3). Par ailleurs, ce film tombe à pique pour défendre les vrais valeurs d’une société saine. À un moment où la politique utilise des fake news comme une arme. « La presse doit surveiller le pouvoir des hommes politiques » comme souligne Bradlee.
En somme Pentagon Papers est un film marquant, qui encourage à soutenir les lanceurs d’alerte.
Neide Olívia de Souza.
Notes :
(1) 1933, le banquier Eugène Meyer achète The Washington Post. Sa devise est « la démocratie meurt dans l’ignorance ». Puis en 1946, nommé à la première présidence de la Banque Mondiale, son gendre Phill Graham prend la direction et cible vers le journalisme d’investigation. 1963, Phill se suicide, sa femme Kay hérite de la direction. 2013, The Post est vendu à Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.
(2) Tandis que les gouvernements des États-Unis disent tenter établir la paix, sous leurs ordres, l’armée et la CIA aggravent le conflit au Vietnam. Par des assassinats, de violation des Conventions de Genève. Aussi d’élections truquées et de mensonges devant le Congrès. Alors que des soldats américains ignorant ces manipulations risquent leur vie. L’un des enfants de Kay est l’un de ces soldats.
(3) Carl Bernstein et Bob Woodward, du Washington Post, enquêtent sur un vol dans les bureaux du Parti démocrate, dans l’immeuble du Watergate. Ensuite l’enquête dévoile les pratiques illégales de la Maison Blanche. Nixon accusé, d’entraver la justice, doit démissionner. L’image de fin de Pentagon Papers est un clin d’œil de Spielberg à Les Hommes du Président, d’Alan Padula (1976), avec Robert Redford et Dustin Hoffman. Aussi Spielberg dédie son film à Nora Ephron, journaliste américaine, décédé à l’âge de 71 ans. Elle fut indirectement liée au Scandale du Watergate (1972-1974) par le biais de son mari, le journaliste Carl Bernstein.