Redford par Feeney Callan primé à Deauville
Une belle biographie écrite par un auteur talentueux sur une star planétaire du 7è Art. Résultat, une œuvre brillante qui ravit le lecteur.
Redford, l’une des icônes hollywoodiennes la plus aimée du public, est décrit dans ce livre par quelqu’un qui lui ressemble. En effet, l’auteur et ami Michael Feeney Callan est, comme lui, cinéaste, producteur, artiste peintre, d’origine irlandaise.
Il sait aussi manier sa plume intelligente comme un poète. Voilà pourquoi Michael Feeney Callan est le biographe d’autres monstres sacrés. Tels que Anthony Hopkins et Sean Connery.
Plus de 300 interviews
Or, ici, pour ce livre, sur ce protagoniste de Butch Cassidy (1969), le grand journaliste qui a passé par la BBC a interrogé plus de trois cents personnes. Et, bien sûr, le propre Robert Redford.
Sans parler des coupures de journaux, des dossiers de presse, des documents généalogiques consultés par Feeney Callan. Et des souvenirs familiaux récoltés de l’Écosse à l’Irlande, en passant par les États-Unis (Manchester, Rhode Island, Texas, Los Angeles).
En somme il présente une pléthore de témoignages sur ce père de quatre enfants, qui ne tient pas en place. Car l’interprète de L’Arnaque (1973) est un militant passionné d’écologie et de sport. Or il avoue dans ce livre être « attiré par les extrêmes, le primitif et la sophistication ».
« Redford » un livre riche en détails
Bref ce livre se lit comme un roman. Où ceux qui connaissent celui qui a joué dans Proposition indécente (1993) citent des anecdotes, parlent librement de sa façon d’être, de ses paradoxes, de ses contradictions.
Ici ses enfants et ses épouses sont présents. Tout comme des copains d’école, des amis, des gens du théâtre et du cinéma tous métiers confondus.
Ainsi leurs récits défilent au long des pages. Parmi des nombreuses vedettes se trouvent : Natalie Wood (1938 -1981), Paul Newman (1925 – 2008), Jane Fonda, Sutherland, Sydney Pollack (1934 – 2008). Pollack est un ami très proche, à la fois jaloux et complice, avec lequel Redford a fait sept films. Dont le magnifique Out of Africa (1985) avec Meryl Streep.
Un travail de titan
Résultat, cette biographie est un condensé de quinze ans de recherches pour bien cerner le caractère et l’essence de Robert Redford. Ce Californien né, dans une famille pauvre, à Los Angeles, le 18 août 1936.
Au moment même de la montée en puissance de l’industrie du cinéma à Hollywood. Alors enfant, Bobby joue dans les jardins de Metro-Goldwin-Mayer. Et Martha, sa maman, visite les studios de MGM à Culver City avec son cousin, l’acteur Robert Young.
Par ailleurs, ses parents adorent le cinéma. Du coup, les samedis matin, à côté de Charlie, et sur les genoux de l’élégante Martha, Bobby regarde : Roy Rogers, Flash Gordon, Tarzan, ou des Disney. Avant de rentrer à la maison où de belles discussions sur le cinéma s’enchainent. Même si Charlie est fatigué par son dur travail de laitier, qui l’occupe « 14 heures par jour ».
De cette époque, Redford se souvient que « Los Angeles était magique. Ça sentait bon le jasmin. L’air était tellement cristallin que les couchers de soleil étaient époustouflants ». Puis, dès que les premières étoiles apparaissent au firmament, Bobby contemple « fasciné la beauté et l’immensité du ciel ».
Robert Redford sur toutes ses facettes
Bref cette œuvre de Feeney Callan est vraiment remarquable. Elle est bien détaillée, très bien racontée et sourcée. En fait cet historien livre en tout 757 pages. Dont 16 avec 54 photos ponctuant la vie de Redford. Il y a aussi des fiches techniques de ses films, suivies par une dense bibliographie.
Or l’on lit d’un trait ce pavé avec plaisir. Car il est merveilleusement et habilement bien écrit pour raconter la vie de cet homme pur, consciencieux, conciliant. Mais aussi têtu, qui ne lâche jamais rien pour obtenir gain de cause pour ses convictions.
Et voilà comment l’éditeur La Trace nous fait voyager dans la vie de cet acteur mythique, plein d’énergie positive, haut de 179 cm. Un touche à tout, qui a plusieurs cordes à son arc, menant multiples activités cinématographiques parallèlement à celles d’entrepreneur et militant.
En fait cet humaniste utilise sa notoriété d’acteur charismatique pour faire bouger la politique. Ainsi il agit sur le terrain, prépare lui-même des dossiers pointus pour promouvoir le développement responsable, préserver les terres et les droits des Amérindiens.
Sundance Institute – un laboratoire cinématographique
Mais c’est aussi en créant le Sundance Institute (1981), que l’intelligent cinéaste de Milagro (1988) réalise l’un de ses rêves. Car du coup il protège des terres de l’Utah, dans la montagne au bord de la Provo River, près du canyon qu’il adore, tout en aidant le cinéma indépendant. Où des cinéastes en herbe sont coachés par des pontes de ses ateliers.
Ainsi dans ce centre du cinéma d’expérimentation indépendant, au but non-lucratif, l’intègre Redford investit beaucoup de sa personne, de ses propres mains et de son argent personnel. Pour construire un lieu unique à Park City (Utah) « où l’art, la nature et les loisirs se rejoignent ». Dans un développement responsable pour « honorer son histoire, sa communauté, sa beauté naturelle… pour y trouver réconfort et inspiration ».
Une pépinière de talents
Puis Redford ajoute à son Institut le Festival du film de Sundance, qui devient une référence mondiale. Où des jeunes artistes s’expriment et deviennent célèbres. Tel Steven Soderbergh, qui remporta ici le Prix du public, un énorme contrat de distribution avec Hollywood et la Palme d’or à Cannes, avec Sexe, mensonges et videos (1989). Pour le plus grand bonheur de Robert Redford et de Sundance.
Parmi divers autres : Quentin Tarantino avec Reservoir dogs (1992), Jim Jarmusch avec Stranger than paradise (1984). Ou encore le scénariste de Pretty woman (1990), Jonathan Lawton, qui l’avait titré au départ (1988) Three thousand. Et j’en passe.
Passionné d’histoire et des populations amérindiennes
Sans oublier que ce réalisateur de Et au milieu coule une rivière (1992) est passionné par son métier. Au-delà d’adorer la lecture, l’écriture, l’histoire, le dessin. Or, très tôt, sa maman, qui était comédienne, lui fait interpréter des rôles et dessiner. Alors il se met sous la table pour croquer des pieds. Et, pour ses 8 ans, elle lui apprend à conduire.
C’est aussi Martha qui le « connecta au passé » en l’emmenant dans les réserves de Navajos, quand ils partaient visiter son grand-père Tot. Or celui-ci « connaissait les noms de chaque oiseau, poisson ou serpent ». Tot enseigne donc à son précoce petit-fils de 5 ans à regarder la nature. Il l’initie aussi aux bases de la survie comme nager, pêcher et chasser pour manger. Ces deux-là sont complices, s’adorent et s’admirent. Entourée d’amour, la belle maison en pilotis construite par les mains de Tot, au bord du lac Austin, est pour le jeune Robert Redford « un conte de fées ».
Voilà comment Feeney Callan décortique la star hollywoodienne qui vit une carrière stellaire. Mais aussi homme solaire qui profite de sa célébrité pour militer pour un monde meilleur.
Tout en mettant en évidence ses zones d’ombre, ses blessures, autant que ses talents artistiques, humains, sociaux, politiques. Afin de mieux comprendre les motivations de ce grand acteur plein de talents, claustrophobe, perfectionniste, rebelle, sûr de soi, fidèle à lui-même et à ses idées.
Bref, par conséquent, ce livre riche et généreux évoque également l’histoire du cinéma et de l’Amérique du XXè siècle jusqu’à nos jours.
Au-delà d’être une biographie aussi claire et profonde que les yeux bleus du magnifique Robert Redford.
Voilà pourquoi, en septembre 2022, ce livre recevra le Prix littéraire du Festival du Cinéma Américain de Deauville en présence de son auteur, Michael Feeney Callan.
Bonne lecture !
NOLDS.