« Basta capital » de Pierre Zellner en VOD

Pierre Zellner réalise son premier long métrage « Basta capital ». Suite au re-confinement ce film n’est pas sorti en salles. Mais sera proposé en VOD sur les plateformes dès le 26 novembre.

BASTA CAPITAL est une fiction politique. Années 2020, dans une manifestation contre le nucléaire à Bure, un activiste est tué par les forces de l’ordre. Ces images défilent dans un écran de téléviseur.

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Pierre Zellner ©Les Films du Pavé

Révoltés donc par la perte de l’un de leurs, un groupe de révolutionnaires enlève et séquestre les principaux patrons du CAC 40. Par la même occasion l’un d’entre eux, Edgar (Antoine Jouanolou), tourne leurs actions pour le documentaire Opération Lisa. D’après le prénom du personnage joué par Anne-Laure Greet. Leur but : contraindre Emmanuel Macron, Manu, à remanier le gouvernement pour basculer le système et appliquer une réelle politique anticapitaliste.

Otages de leur propre système

Voilà pourquoi ces cravatés puissants sont mis à l’écart. Alors le spectateur voit Arnault, Bolloré, Bompard, ou encore Bouygues soumis aux mêmes conditions que les ouvriers de leurs entreprises. Ces grands fauves des finances, proches des politiques, se retrouvent ainsi habillés en bleu de travail avec un boulet en béton au pied.

Or, pour libérer ses amis pris en otage, et mis sur le fait accompli, le Président français est obligé de s’accorder à la demande des activistes. Et des mesures anti-capitalistes sont décrétées.

Une fable politique réjouissante

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Benjamin Gasquet (Emmanuel Macron), Basta capital ©Les Films du Pavé

En effet, Macron (Benjamin Gasquet) annonce en direct sur Canal News l’état d’urgence sociale. Le président de la République cite Martin Luther King et communique un changement radical de politique, en lisant le texte écrit par les insurgés. « Ce tournant dans un souci de bon sens, dit le chef d’État, est le résultat des recherches de nombreux universitaires ».

D‘ores et déjà le président Macron lance la règle verte dans la Constitution, avec des transport non polluants, la fin des pesticides. Aussi des échanges commerciaux plus justes et durables en Afrique, l’annulation des dettes du tiers monde. Ou encore des dé-privatisations comme celle de la SNCF. La sortie de prison des délits mineurs, la création d’une taxe sur les transactions boursières, la nomination de nouveaux ministres pour combattre sans relaxe la fuite de capital. Résultat : chômeurs, classes moyennes, retraités, peuvent enfin mieux respirer suite au contexte tendu des réformes vécues depuis 2017. Et, du coup, la cote de popularité de Manu remonte dans les sondages.

Une idée originale contre la démocratie du dollar

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Grands patrons prisonniers ©Les Films du Pavé

Certes ce sont des revendications un peu utopiques, néanmoins idéales et normales pour créer une société durable. Telle que la : « Loi sur la gratuité de l’accès à l’eau et à l’électricité » en quantité nécessaire à une vie digne. Car l’eau a été léguée par la Nature et ses sources n’appartiennent à personne. C’est un bien commun, universel. Dont l’accès est gratuit, tout comme la mer, l’air, le ciel, les nuages, les pluies, les forêts et les voies navigables.

En somme cette fiction est une idée originale de Pierre Zellner. En outre ce scénariste et guitariste de jazz a su rythmer son œuvre avec une bonne musique. Dont un sublime saxophone et une batterie toute en douceur. Mais Zellner ne s’arrête pas là, il agit aussi en homme engagé. En effet, en 2015, il vit avec les migrants dans la jungle de Calais. Et finance le tournage  de « Basta capital » avec ses faibles moyens, aidé par quelques donateurs cités au générique.

Un film assez provocateur

Dans son film, Zellner met les puissants du CAC 40 au travail comme ceux qu’ils exploitaient. Par exemple, Alexandre Bompard (1) (joué par Olivier Wittner), pdg de Carrefour, répare bénévolement des appareils électroménagers. Emmanuel Faber (Xavier Bonastre), président de Danone, cuit des pâtes. Vincent Bolloré (2) (Georges D’Audignon), le redoutable patron de Canal+, reste à la menuiserie. Tandis que Bernard Arnault (3) (Olivier Pagès), richissime pdg de LVMH, devient une petite main qui coud à la machine. Et il incite Bolloré de faire la grève, tout en estimant que « dans [ses] usines on est mieux traité qu’ici ». Alors que Edgar, le cinéaste amateur, lui rappelle qu’il est du genre de « spécialiste des colonisations, [qui] paie 900 euros aux employés en Pologne et fait travailler des enfants ».

Jean-Jacques-Vanier
Jean-Jacques Vanier, Bart ©Les Films du Pavé

Edgar dévoile aussi que François-Henri Pinault, du luxueux groupe Kering-Gucci, ne s’acquitte ni des cotisations sociales ni des impôts. Dès lors Bart (Jean-Jacques Vanier), l’électronicien, calme les esprits en disant : « Ce sont des monstres que le système a créé. Ils sont insignifiants ! Mais il faut qu’on les garde en vie pour que ça marche ».

Liens entre grands patrons et politiques = juge et partie

Voilà pourquoi ces activistes décident de capturer ces patrons des grands groupes. Ils souhaitent que ces escrocs soient poursuivis pour fraude fiscale, pour des pratiques douteuses de fiscalité, de délocalisation, des conditions de travail aberrantes. Aussi que la Justice fasse son travail en toute indépendance.

Basta ! La réalité inspire la fiction

Or cette fiction drôle, populaire, colle bien à l’actualité, et fera jubiler plus d’un. À savoir, voir en prison, les grands des finances, au moins pendant la durée du film. Des personnages absurdement riches qui ne paient pas d’impôts. Des patrons qui même durant la Coronacrise voient leurs bénéfices grossir et les actionnaires toucher des dividendes. Tandis qu’ils licencient et plongent des familles entières dans la misère en toute impunité. Ce qui, par ailleurs, a justifié la colère du mouvement des gilets jaunes.

Grosses et honteuses entreprises

Car dans Basta capital : Vinci, Lafarge, Bouygues, Total, Peugeot, Sanofi, Danone, sont pointés du doigt. Ces entreprises qui pourraient être boycottées par le pouvoir d’achat des citoyens. Tout comme celles d’autres exploiteurs-profiteurs qui abusent des gens et de la Planète.

Par ailleurs le film montre également un recours à la violence, dénoncée par la protagoniste Inès (Clarisse Lhoni-Botte). Mais c’est une violence pour faire face à celle du capitalisme. Alors le peu de gaucheries du documentaire d’Edgar servent à renforcer le côté amateur des activistes dans un moment de tensions, causées par les réformes au détriment des citoyens.

Basta capital en VOD

Enfin Basta capital paraît alors qu’une partie des Français n’a pas renoncé à rêver d’un monde où le respect des droits de l’homme et le souci de la Planète primeraient sur les intérêts du capital. Il se classe dans la lignée du documentaire Merci Patron ! de François Ruffin. C’est un film qui aurait plu au diplomate et résistant militant Stéphane Hessel, auteur d’Indignez-vous.

Sans oublier le chant révolutionnaire El pueblo unido jamas sera vencido (Le peuple uni ne sera jamais vaincu) qu’on entend dans le film. En outre, ce film, dont le quotidien Reporterre est partenaire, reste un clin d’œil cinématographique d’un électeur au président Macron.

Bref « Basta capital » sera disponible en VOD. Un film à ne pas manquer ! Vidéo à la demande à partir du 26 novembre, annonce le distributeur indépendant Destiny Films.

NOLDS.

Notes :

(1) Alexandre Bompart vient de racheter Bio C’est Bon, en redressement judiciaire, « montrant son appétit pour infiltrer ce créneau en vogue, note ID – L’info Durable, le 3/11/20. Une niche afin de gagner beaucoup d’argent ». Passant devant Biocoop, dont l’éthique solidaire avec des petits producteurs est reconnue. Quant au groupe Bio C’est Bon, depuis fin 2008, il était dirigé par Thierry Chouraqui de la société foncière Marne & Finance.

(2) Vincent Bolloré, le Breton spécialiste des OPA (Offre Publique d’Achat), est le patron de Vivendi, Cnews (ex i-Télé), Havas, Autolib, Bluebus. Au-delà d’être actionnaire de SOCFIN. Un groupe agro-industriel multinational spécialisé dans la culture de palmiers à huile et d’hévéa, qui détruit des forêts natives.

(3) Bernard Arnault est le premier patron français à serrer la main du président américain Trump, en 2017. Cette année là, une enquête sur les Paradise Papers révèle qu’ Arnault place ses actifs dans six paradis fiscaux. Quand Bernard Arnault demande la nationalité belge, Libération titre sa Une du 10/09/12 : « Casse-toi riche con ! ». Cet homme très puissant est très proche des politiques. Par exemple, en 1996, il est le témoin du mariage de Cécilia et Nicolas Sarkozy. En 2014, François Hollande inaugure la Fondation Louis-Vuitton au bord du Bois de Boulogne. Sans parler de ses amitiés avec le couple Macron. Parmi les biens d’Arnault, quelques pépites : Christian Dior, Le Bon Marché, Conforama, Berluti, Kenzo, Hermès, Guerlain, Tiffany. Mais aussi Les Échos, Le Parisien.