« Viva la muerte » le film culte d’Arrabal en DVD et Blu-ray
Ce premier long métrage de Fernando Arrabal est ovationné. Restauré et diffusé au Festival de Cannes en 2022, où il est présent dans la section Classics, après avoir fait l’ouverture de la Semaine de la critique en 1971, il est devenu depuis un film culte. Maintenant, il est en DVD et en Blu-ray pour notre plus grand bonheur.
VIVA LA MUERTE du grand cinéaste espagnol est donc désormais dans un format deux fois mieux que la HD, en 4K, à partir du négatif 35 mm d’origine. Et, ce, grâce à « Les éditions Montparnasse » en partenariat avec la Cinémathèque de Toulouse, avec la complicité d’Arrabal lui-même. Or ce film très important d’Arrabal parle de la guerre civile espagnole vue par Fando (Mehdi Picquart-Chaouch), un garçon d’une dizaine d’années.
Acclamé par des intellectuels, interdit par certains politiques
Lors de sa diffusion à Cannes en 1971 d’emblée Viva la muerte(1) gagne la considération du public et des artistes. Par exemple, John Lennon (1940 – 1980) le fabuleux musicien-auteur-compositeur des The Beatles s’enthousiasme au Festival. Où avec son épouse Yoko Ono ils présentent leur film Apotheosis.. Du coup, il va à la rencontre d’Arrabal en lui sifflant la musique de « Viva la muerte ». Alors que le fabuleux Pablo Picasso (1881 – 1973) s’inspire, peint en son hommage et, par opposition, nomme son tableau Viva la vida. Ensuite Picasso demande au formidable cinéaste surréaliste Luis Buñuel (1900 – 1983) de remettre son cadeau à Arrabal.
Certes, selon Arrabal, né en 1932, son film montre la vérité sur son pays à l’époque du franquisme. Sauf que cette réalité est considérée anti-franquiste et scandalise les autorités fascistes. Ainsi son film sera interdit en Espagne et en Tunisie. Où il est tourné dans la ville d’Hergla (nord de Sousse) durant la dictature du « Caudillo ». Mais, en France, grâce à Jack Lang, ministre de la Culture en 1981, Viva la muerte reçoit son visa d’exploitation.
Le film Viva la muerte
« La guerre est finie », annonce une voix off. Alors un enfant court en appelant : « Papa ». Ce garçon s’appelle Fando.
Or Fando lit, dans le grenier où il a trouvé la pipe « dr Plumb » de son père, une lettre où sa mère (Nuria Espert) dénonce son père. En fait, cette catholique extrémiste considère son mari comme un traitre de la nation. Et elle l’accuse d’athéisme, rébellion militaire et idéaux communistes. Bref, d’être « progressiste ».
Une imagination fertile
En plus, sa mère lui affirme que « son père est mort », qu’elle l’a « dénoncé pour son bien », qu’il « l’oublie. C’était un rouge ».
Bref, avec son imagination débordante l’esprit de Fando divague entre fantasmes, rêves, cauchemars. Car il voit par des flashes forts, violents, chargés en couleurs, les pires atrocités infligées à ce père disparu. Mêlés à des images de sa mère, la jolie ultra catholique. Résultat : les visions de Fando s’avèrent confuses entre amour inconditionnel et haine envers sa mère.
Mais en même temps érotiques, sensuelles, propres à un début d’adolescence. Où un enfant a besoin de repères sans compter le manque d’un père aimant et absent.
Alors Fando part à la recherche de son père. Il va s’informer à la Police. Et dans cette enquête il sera aidé par sa seule amie, Thérèse (Jazia Klibi).
Un film surréaliste bien ficelé
Aussi ce long-métrage surréaliste très cinématographique a des effets étonnants pour l’époque. Avec des beaux plans, la musique et le son sont à remarquer. Certes, ici Arrabal se libère de son lourd vécu familial dans un pays où règne la censure et des poids religieux.
Mais également des violences physiques et psychologiques d’un univers où la torture s’exhibe dans la rue, au vu de la population. Ce qui force également certains habitants plus faibles à devenir complices du régime. Et la délation suit son cours. Tout comme l’on a vu dans d’autres dictatures. Par exemple, au Brésil (1964 – 1985, 2019 – 2022). Mais aussi au Portugal (1933 – 1974), en Italie (1922 – 1943), pour ne citer que quelques unes.
Des scènes fortes
Car, en 1971, Viva la muerte(2) est considéré comme controversé au vu des scènes audacieuses et violentes de la mort. Alors Arrabal explique qu’il n’a « jamais écrit une scène pour épater ou provoquer ». S’il écrit une scène c’est parce qu’il « pense qu’elle est nécessaire dans son contexte ».
Par ailleurs, Fernando Arrabal n’a jamais caché ses choix artistiques et politiques. Même lors du tournage de Viva la muerte, il milite contre le régime de Franco en Espagne et en France. Où il crée le mouvement artistique Panique. Avec le réalisateur Alejandro Jodorowsky, et le dessinateur Roland Topor qui illustre aussi le film Viva la muerte.
Voilà pourquoi, en 1967, lors d’un retour en Espagne, Arrabal est détenu par le régime franquisme. Mais Samuel Beckett obtient sa libération avec le soutien des auteurs du monde entier.
Arrabal un artiste complet
Enfin, le talentueux Fernando Arrabal a plusieurs cordes à son arc. Car cet artiste est aussi poète, écrivain, dessinateur, peintre, sculpteur. Au-délà d’être un homme de théâtre et du cinéma. Et dans ce film Arrabal nous fait profiter de tous ses atouts.
Ainsi dans « Viva la muerte » Arrabal met en scène les atrocités de la guerre avec les destructions, les pertes, les souffrances qu’elle provoque.
Dont le DVD et le Blu-ray sortent alors que le monde se confronte, depuis un an, à la guerre de Poutine contre l’Ukraine.
Bref, Viva la muerte est beau comme un tableau mais aussi impitoyable que la vérité. Tel un clap qui donne une belle claque aux fascistes. C’est un beau film poignant et passionnant à voir et revoir.
NOLDS.
Notes :
(1) Ce film s’inspire du roman autobiographique d’Arrabal Baal Babylone, édition Julliard, 1959.
(2) Viva la muerte est aussi un slogan franquiste lancé, en 1936, par le général José Millán-Astray
