« La symphonie des arbres » met en lumière un luthier de Crémone

C’est aussi un vibrant hommage au maître Stradivarius. Car le persévérant luthier Gaspar Borchardt ne recule devant rien : ni les mines, ni la mafia, ni des espoirs déçus pour trouver l’arbre rare dont il fera un concurrent au violon magique. Réussira-t-il ?

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Hans Lukas Hansen, réalisateur norvégien ©La symphonie des arbres

La symphonie des arbres est une petite merveille. Ce film documentaire montre l’exigence d’un maître luthier de Crémone (Italie). Et le cinéaste norvégien Hans Lukas Hansen offre un film digne du violon légendaire du maître Antonio Stradivari dit Stradivarius (1644 -1737).

Ainsi La symphonie des arbres aborde ce thème captivant et très rare au cinéma. Car ce film montre le travail méticuleux de Gaspar Borchardt. Un luthier qui s’entête à fabriquer ce prodigieux instrument musical portable.

La symphonie des arbres – la vie d’un luthier

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Gaspar Borchardt, luthier ©La symphonie des arbres

Pour tourner ce film le norvégien Hans Lukas Hansen suit le luthier Gaspar Borchardt durant quelques années. Résultat : il réalise un beau portrait de l’artiste en mettant en avant les principales étapes pour la concrétisation de son œuvre.

Or ce luthier né, en 1961, en Allemagne, s’installe en Italie en 1984. À Crémone, ville berceau du violon et des familles rivales des luthiers Stradivari et Guarneri, mais aussi la ville des rêves de l’enfant Borchardt. En effet sa passion débute dès l’âge de 6 ans quand son père lui offre un violon.

Et c’est à Crémone que Gaspar va apprendre son métier de luthier. Où il vit à la Piazza Duomo entouré de ses deux enfants, de leur mère et complice Sibylle Fehr-Borchardt. Ensemble le couple partage l’atelier de lutherie, leur passion pour la musique et le bois.

La recherche d’une qualité sonore

Gaspar est un perfectionniste. Son but est de créer un violon au son parfait tel un Stradivarius. Un instrument, âgé de trois siècles, qui n’a jamais été surpassé.

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Gaspar Borchardt dans son atelier ©La symphonie des arbres

Alors pour percer le secret de ce violon magique et en fabriquer un semblable, entre recherches et fabrication, au moins six ans vont se passer. Du coup cet homme, entier, honnête, devra composer et surmonter quelques obstacles.

Car pour fabriquer ce violon il doit trouver un arbre rare. Or Gaspar est sûr que la clé du Stradivarius est dans la qualité de son bois. Ce bois précieux est un érable moiré, ou ondé, qui amplifie la sonorité de l’instrument.

Poésie et finesse d’un métier sensuel

Mais, dès que cet érable moiré unique sera trouvé, le luthier devra réfléchir à la meilleure manière de le couper pour ne pas l’abîmer. Ensuite il devra activer tous ses sens pour : l’écouter au travers de son tronc, renifler son odeur, goutter une petite lamelle pour vérifier s’il n’est pas sucré et surtout s’il est sain.

Tout n’est pas toujours rose

Ainsi, pour trouver cet arbre idéal, Borchardt va prendre des risques et se retrouver en territoire inconnu, comme en Bosnie-Herzégovine et Sarajevo. Dans une région où règne la mafia et où les conflits armés sont toujours latents.

En revanche sur place il compte sur l’aide de Bojan Tomic, traducteur, qui le familiarise avec les coutumes locaux. Ce guide l’emmène à l’atelier du luthier Mirko, qui après l’avoir écouté dans une discussion bien arrosée, lui donne un contact.

Puis, dans ce parcours du combattant, Borchardt va se retrouver à 1200m d’altitude au nord-ouest des Balkans, parmi des trafiquants de bois. Dans cette Europe centrale assez dangereuse, où des mines anti-personnelles sont toujours enfouies dans les forêts.

Mais il faut savoir aussi que Gaspar aime la Nature. Et ça lui fait de la peine l’idée qu’il faut tuer un arbre pour donner la sonorité à un violon. Si bien que dès que Borchardt voit un majestueux arbre tricentenaire, assez large, dur et dense, il n’ose pas le faire abattre.

Donc retour à la case départ. C’est ainsi que dans cette aventure pour aller au bout de ses rêves et assouvir une passion, la magie de l’inattendu s’invite et imprègne un suspense, dans l’univers de cet instrument fétiche et essentiel dans un orchestre.

Un violon exceptionnel pour une femme virtuose

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Janine Jansen, violoniste néerlandaise ©La symphonie des arbres

Sans cesse la caméra de Hans Lukas Hansen est là, à suivre Gaspar pas à pas, de l’Italie au nord-ouest des Balkans en passant par l’Allemagne et l’Espagne. Où Gaspar rencontre la formidable violoniste néerlandaise « amoureuse » du Stradivarius, Janine Jansen. Car c’est pour elle que Borchardt veut fabriquer son chef-d’œuvre.

Certes, s’il arrive à créer ce violon, Janine Jansen s’éclatera sur son instrument et lui imprimera son âme. Ce sera un beau témoignage de son travail. Et il l’entend jouer la Partita n° 2 de Jean-Sébastien Bach.

Un métier d’amour, abnégation et dévotion

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Janine Jansen écoute le son d’un érable moiré ©La symphonie des arbres

Voilà pourquoi le violoniste Bilal Alnemr dit, lors d’un entretien accordé à Dominique Poncet, que, pour lui, le métier de luthier « est l’un de ceux qui implique le plus d’humilité et d’abnégation... [Puisque ce sont] les instrumentistes qui révèlent la beauté sonore » au public. Et peu sont ceux qui connaissent le nom du luthier. C’est donc un métier d’amour et de dévotion pour la musique, autant que celui du Filmworker pour un film.

En somme le film La symphonie des arbres est un pur régal. De beaux paysages, de belles images, une photographie éblouissante due au talentueux directeur photo Karl Erik Brøndbo.

Ce documentaire réussi est illustré par une musique de qualité et des musiciens hors pair. Il est aussi magnifié par un son remarquable et équilibré confié à l’ingénieur du son Adrian Souyris Strumse.

La symphonie des arbres est en salles à partir de ce mercredi 15 décembre 2021.

NOLDS.

Note :

Selon les spécialistes, le meilleur bois pour les archets des violons est celui de Pernambuco (nord-est du Brésil).