«  Le Chameau et le meunier » est dans les salles

Le réalisateur iranien Abdollah Alimorad présente une animation triptyque avec « Le Chameau et le meunier ».

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Abdollah Alimorad ©Le Chameau et le meunier

LE CHAMEAU ET LE MEUNIER, Djaneshin en iranien, est un film composé de trois courts métrages d’animation sans paroles. Titrés : Le Chameau et le meunier, Le Robot et le fermier, Les Oiseaux blancs.

Or ces films d’animation, en pâte à modeler, du minutieux Abdollah Alimorad sont écologiques, humains, poétiques, au-delà d’avoir une belle plasticité artistique. Et ce sont trois histoires instructives touchantes. Aussi bien par la sensibilité et la simplicité, que par le traitement et la profondeur des propos mis en scène. Elles enchanteront sûrement autant les têtes blondes que les plus grands.

Le Robot et le fermier (2011)

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Le Robot et fermier ©Le Chameau et le meunier

Il était une fois une fusée qui, enfumant le ciel et le paysage, fait un atterrissage forcé dans une région orientale. Alors l’objet spatial prend pour piste improvisée une belle plantation de pastèques. Et, dans sa descente infernale, cette capsule écrase une bonne partie des fruits aux écorces épaisses et vertes.

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Le Robot et le fermier ©Le Chameau et le meunier

Devant ces faits, d’abord apeuré, le fermier propriétaire se cache avec son âne. Puis il laisse éclater son mécontentement et attaque l’intrus métallisé. Mais, le lendemain, l’homme poussé par la curiosité s’invite à l’intérieur de l’engin. Alors ce péquenaud, qui n’avait jamais vu une machine pareille, s’amuse avec les manettes du poste de pilotage. Et, du coup, il se trouve dans une ambiance inimaginable pour lui. Musique, lumières à gogo, siège tournant. Enfin tout l’enchante… Les jours passent, des liens se créent et donnent le ton.

À savoir que le court métrage Le Robot et le fermier, tourné en pellicule 35mm, a été restauré et numérisé. Ce film est sonorisé par une excellente musique, avec des bruitages remarquables et bien réels. Par exemple, le vrai son d’une pastèque lorsque l’on lui tape dessus.

Par ailleurs Abdollah Alimorad, doué depuis l’enfance pour « la peinture et les travaux manuels », est nourri par des idées intéressantes. Car, même le générique de fin de ce petit film de 23 minutes laisse le spectateur assister à son making off à travers un hublot.

Le Robot et le fermier est vraiment trop beau !

Les Oiseaux blancs (2003)

Aussi le film Les Oiseaux blancs est toujours d’actualité. Ces 14 minutes réalisés en format 35mm grâce à une technique de marionnettes avec quelques trucages traditionnels, est une version restaurée et numérisée.

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Les Oiseaux blancs ©Le Chameau et le meunier

Pour son scénario, Abdollah Alimorad s’inspire d’un poème iranien intitulé L’Aigle.

Ainsi, ici, deux grands oiseaux blancs semblables aux grues s’envolent élégamment au-dessus des arbres. Où ils peuvent savourer des baies goûteuses. Dans un havre de paix, ils reposent sur un lac lumineux aux superbes reflets dans l’eau. Mais, un jour, lors d’un vol, les deux jolis oiseaux blancs rencontrent, près d’un bassin d’eaux polluées, des volatiles moins gracieux qu’eux.

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Les Oiseaux blancs ©Le Chameau et le meunier
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Les Oiseaux blancs ©Le Chameau et le meunier

En effet, ils sont boursouflés, malades, avec de ventres difformes, gavés par une nourriture abondante mais de moins bonne qualité.

Alors pour ces plumes blanches jolies comme la neige, il vaut mieux repartir dans leur paradis. Sauf que cette vie paresseuse, moins sportive, peut aussi attirer l’un de ces deux oiseaux. Les saisons passent…

Le Chameau et le meunier (2022)

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Le Chameau et au meunier ©Le Chameau et le meunier

Dans Le Chameau et le meunier, Abdollah Alimorad déplace le spectateur dans un village oriental où un dromadaire travaille pour un meunier pendant des heures sans fin. Or ce pauvre mammifère, à une seule bosse, tourne en rond. Car il fait avancer la lourde meule qui moud le grain pour son vieux maître. Et ce jusqu’à tomber malade d’épuisement.

Du coup le meunier doit faire soigner le dromadaire. Aussi, pour ne pas arrêter ce gagne pain, le meunier décide sans consulter son fidèle convalescent de le remplacer par sa mobylette. Résultat : le gaz d’échappement du moteur du deux roues pollue énormément et empeste non seulement leur maison, en terre battue. Mais aussi tout le village…

Critique du monde moderne

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Tournage « Le Robot et le fermier » ©Le Chameau et le meunier

Voilà comment, tout en douceur, Abdollah Alimorad dénonce la pollution de l’air.

Mais cet expert des marionnettes évoque également l’amitié, la fierté, la jalousie, dans ces films. Ou encore le travail au taches pénibles et répétitives. Au-delà de l’exploitation des travailleurs, et la crainte des nouvelles technologies. Car, pour lui « si parfois les machines peuvent faciliter la vie, elles peuvent aussi nuire à la vie humaine et animale. Et à la nature en général ».

Conclusion

Bref le spectateur est emmené dans la réflexion à travers le monde de l’animation de Abdollah Alimorad. Ce cinéaste qui a déjà ébloui le cinéma. Avec, entre autres, La Montagne aux bijoux lauréat du Prix du public au Festival d’animation Anima Mundi (Brésil) en 1996. Ou Le Petit Monde de Bahador palmarès du Grand Prix Cannes junior et le Prix WisKid au Festival international du film pour enfants du Wisconsin (USA) en 2000.

Enfin, heureusement, les répressions violentes(*) qui agitent la Perse n’ont pas pu empêcher Abdollah Alimorad de créer, afin que le monde magique du cinéma anime ses personnages.

Ainsi ces trois fables, autonomes, réunies en bouquet, dans un seul film, donnent un autre aperçu culturel de l’Iran.

Un vrai délice !

NOLDS.

(*) Parmi cette escalade de violence en Iran, la mort de Mahsa Amini, 22 ans, le 16 septembre. Suite à sa détention au centre de détention de Vozara pour « tenue indécente ». Elle a été arrêtée parce que « son foulard (hijab) était trop lâche ».