« Secret de famille » est un film brésilien à découvrir

Ce film pertinent, tout en douceur, léger et profond, est comme le vent qui fait tourner les éoliennes.

Secret de famille est un film de Cristiane Oliveira. La cinéaste brésilienne, native du Rio Grande do Sul (gaúcha), met en scène l’adolescence. Cette phase délicate du passage de l’enfance à l’âge adulte dans la vie d’une fille à la recherche d’identité, avec toutes ses interrogations.

C’est le cas de Joana (Letícia Kacperski), 13 ans. De plus cela s’accentue lors du décès de Rosa, sa grand-tante. Car les non-dit de sa famille ne font qu’attiser sa curiosité. En fait Rosa meurt vierge, à l’âge de 70 ans. Elle n’a jamais eu un petit copain, « n’est même pas maquillée », exclame Joana. Sans doute Rosa est bien différente de Norma (Lisa Gertrum Becker), sa sœur et grand-mère maternelle de Joana. Car Norma est coquette, elle aime sortir, danser, se serrer contre ses cavaliers dans les bals…

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Letícia Kacperski (Joana) et Lisa Gertrum Becker (Norma) ©Okna Produções

Désirs refoulés

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Letícia Kacperski (Joana) ©Secret de famille, Okna Produções

Ainsi le décès de Rosa réveille en Joana ses propres désirs. Les deux avaient un lien fort, et dorénavant Joana n’a qu’une seule amie. C’est une collègue de sa classe, Carolina (Isabela Bresssane).

Mais Carolina doit partir. Alors elle confie à Joana qu’« une fois de plus elle va encore perdre [ses] amis », vu que sa mère repart avec elle vivre à Berlin.

Les jours passent… Joana se met à rêver de Carolina… Car cette fiction sur une famille traditionnelle d’origine allemande met en lumière un sujet tabou, l’homosexualité féminine.

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Éoliennes, Letícia Kacperski (Joana) et Isabela Bressane (Carolina) ©Okna Produções

Secret de famille est le deuxième long métrage de Cristiane Oliveira. Elle choisit de le tourner dans sa région natale, au Sud du Brésil. Il se passe donc à Osório, nommée Ville des lagunes et des bons vents. Et c’est ici que la réalisatrice compare la transformation de Joana à celle du paysage local. Puisqu’un parc éolien vient de s’implanter, avec ses géants moulins à vent.

Résultat : la cinéaste tourne en laissant le temps respirer de manière très agréable, paisible, autour de belles images de la nature de ce pays tropical. Où plusieurs familles de nationalités différentes s’établissent.

Un Brésil multiracial

Alors parmi les familles étrangères qui ont pris racine à Rio Grande do Sul, au XIXè siècle, se trouve celle de Joana. Selon la réalisatrice ces immigrants sont arrivées « dans le cadre d’un programme de colonisation brésilienne pour blanchir la main-d’œuvre ». Car, à ce moment là, la population noire se rebelle « contre les conditions inhumaines imposées par les esclavagistes » portugais.

Du coup ces Portugais font appel aux Européens pour travailler dans ce pays d’Amérique du Sud. Ensuite ces nouveaux arrivés vont « essayer d’effacer la culture afro-descendante » installée sur place depuis le XVIè siècle. Mais ce sera sans succès, car les rites africains sont déjà bien ancrés dans cette terre du Pau Brasil(1). Où les Africains se sont bien assimilés.

Voilà pourquoi la protagoniste de Secret de famille participe à pas moins de trois religions. Celle de l’Umbanda via un copain de sa mère (Lara, jouée par Joana Vieira), la catholique à l’école, et la luthérienne dans sa famille.

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Letícia Kacperski (Joana) et Isabela Bressane (Carolina) ©Okna Produções
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Cristiane Oliveira, réalisatrice ©Secret de famille

Enfin ce film à petit budget(2) met en exergue un point de vue peu connu de la complexité familiale dans l’immense Brésil avec toute sa diversité humaine. Un pays d’accueil mais où règne aussi de grandes injustices. À commencer avec ses indigènes et premiers habitants de ses 8,5 millions de km2, qui font de lui le cinquième plus grand pays au monde, après la Russie, le Canada, les États-Unis et la Chine.

Un film à voir

Bref Cristiane Oliveira étonne par le traitement donné à un sujet délicat qui touche la famille. Car elle le fait de manière poétique, posée, subtile. Secret de famille est à la fois un film léger et profond tel un souffle amoureux. Il est en salles depuis le 4 août.

NOLDS.

Notes :

(*) Pau Brasil: est un arbre brésilien qui a donné son nom au Pays, son bois est rouge de couleur. Caesalpinia echinata, en latin.

(2) Le ministère de la Culture a été supprimé au Brésil par Bolsonaro dès son investiture à la tête du Pays. Ce président d’extrême droite a été élu le 28 octobre 2018.